En Afrique, le retour de la théorie des dominos

Mis en ligne le 14 Sep 2023

En Afrique, le retour de la théorie des dominos

Les dominos stratégiques risquent-ils de basculer tout à tour en Afrique ? L’auteur propose un large tour d’horizon de la situation géopolitique africaine. Ce tour d’horizon constitue un préalable au lancement d’une alerte sur la potentielle intentionnalité d’une déstabilisation généralisée du continent.

Les opinions exprimées dans cet article n'engagent pas le CNAM.

Les références originales de cet article sont : Alain Bauer « En Afrique, le retour de la théorie des dominos », publié dans l’opinion du 31 juillet 2023. Ce texte, ainsi que d’autres publications, peuvent être consultés sur le site du Cnam-ESDR3C.

La théorie des dominos, ou l’effet domino, constitua la colonne vertébrale de la politique étrangère des Etats-Unis après la Seconde Guerre mondiale, afin d’éviter que la « chute » d’un Etat pro-occidental au profit du bloc communiste (russe ou chinois) ne précipite la chute des Etats amis voisins. Elle a été utilisée pour la première fois par le président Truman afin de justifier une aide militaire à la Grèce et à la Turquie, mais surtout lorsque le président Eisenhower l’a appliquée à l’Asie du Sud-Est, en particulier au Vietnam.

Alors que le conflit en Ukraine hésite entre l’exacerbation et l’enlisement, les démocraties occidentales vont de crise sanitaire en crise économique, sociale, citoyenne, policière… sans pouvoir, déboussolées par cette multiplication de phénomènes simultanés, affaiblies par les illusions de la collecte annoncée des « dividendes de la paix » qui avaient remplacé la pensée stratégique après la chute du mur de Berlin, répondre décemment à toutes. L’Occident est le plus souvent surpris ou ralenti par ses processus de décision, aveuglés par la « peur de l’escalade » et ne comprenant pas la logique ou les doctrines de ses ennemis proclamés.

Ce qui se produit lentement, mais irrésistiblement en Afrique, notamment dans l’ancienne zone « d’influence » devrait grandement préoccuper les responsables politiques. Après la République centrafricaine, le Mali et le Burkina, le Niger semble en passe de tomber. S’il n’est pas indispensable de voir la main de Wagner (et de la Russie) partout, cet épisode, en plein sommet Russie-Afrique, ne peut laisser indifférent. On ne saurait non plus voir Wagner nulle part.

Or, la situation du Niger est d’une tout autre importance stratégique que les pays précédents. En termes de ressources, d’implantations militaires, d’enjeux régionaux. Seul le Tchad, souvent perturbé au fil des dernières années est au cœur de la stabilité de son Lac également bordé par le Niger, le Nigeria et le Cameroun. Au nord, l’Algérie, immense puissance régionale d’un point de vue sécuritaire, militaire et de renseignement, est très largement active et sa réorientation diplomatique peut peser sur la stabilité de la Mauritanie. Les évolutions de la situation en Libye restent marquées par de nombreuses incertitudes. Le marasme économique égyptien inquiète partout et particulièrement les pétromonarchies. Boko Haram n’a pas disparu, ni au Nigeria, ni au Cameroun, pays pour lequel la succession du chef de l’Etat se pose depuis longtemps, sans réponse claire.

Les acteurs maliens (et russes) peuvent être intéressés par un processus d’insécurisation accélérée de l’espace Sénégal, Gambie et Côte d’Ivoire. La crise politique au Sénégal fragilise le pays et nul ne sait encore aujourd’hui comment elle pourrait déboucher. Il y a des incertitudes de succession en Côte d’Ivoire et l’existence d’opérations de déstabilisation sont murmurées à Bamako, Ouagadougou ou Moscou. Plus au sud, les deux Congo sont loin d’avoir retrouvé le sentiment d’une tranquillité de développement. Les deux Soudan sont en plein effondrement. La liste n’est pas exhaustive.

Nous assistons à la mise en place, surfant sur des réalités préalables, d’une opération structurée de déstabilisation d’un Sud moins global qu’on ne le dit, mais bien plus instable qu’on ne le pensait, ce qui nécessiterait soit des opérations de retrait pour sanctuariser les territoires essentiels, soit un nomadisme auquel les forces occidentales, surtout américaines et françaises, n’étaient plus habituées dans ce secteur géographique.

Les « gendarmes du monde » ont le plus grand mal à le rester dans ce qu’ils considéraient encore il y a quelques années, comme leur zone naturelle d’influence, de repli ou de reconquête. La guerre revient, sous toutes ses formes, un peu partout. Quatre dominos sont déjà tombés. Le temps presse.

Par : Alain BAUER
Source : ESD-CNAM
Mots-clefs : Afrique


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