Entre volonté et réalité : le mode de résolution onusien des conflits intra-étatiques

Mis en ligne le 17 Déc 2017

Le paradigme actuel de l’ONU, fondé sur la résolution des conflits interétatiques, ne correspond plus aux défis d’un monde où les conflits interne se multiplient. C’est le constat originel de cette analyse. L’auteur explore tout d’abord les fondements juridiques de l’organisation, puis élargit sa recherche aux défaillances rencontrées lors des tentatives de résolution des conflits intra-étatiques. L’examen lucide et argumenté souligne les entraves structurelles comme les blocages internes aux sources d’un bilan décevant. Il s’appuie sur les exemples emblématiques somalien, libyen et syrien. Les voies de progrès proposées visent in fine à dépasser l’apparente aporie entre respect des souverainetés étatiques et responsabilité de protéger les populations.


Les opinions exprimées dans cet article n’engagent pas le CSFRS.

Les références originales de ce texte sont: Emilie Bottard, “Entre volonté et réalité : le mode de résolution onusien des conflits intraétatiques”, Article tiré du mémoire qui a reçu le Prix de la Réflexion Stratégique 2017, Décembre 2017.

Le mémoire peut être lu sur le site du CSFRS.


Entre volonté et réalité : le mode de résolution onusien des conflits intraétatiques.

 

Guerres civiles, tragédies humaines, conflits internes meurtriers, crises humanitaires internationales, menaces globales : l’actualité contemporaine regorge ainsi d’un nombre préoccupant de situations menaçant la paix et la sécurité internationales.

L’Organisation des Nations Unies, héritière de la Société des Nations dans son rôle de maintien de la paix et de la sécurité internationales, doit désormais y faire face et trouver le moyen de les résoudre.

Initialement instituée pour prévenir et résoudre les conflits interétatiques, l’ONU a vu son rôle élargi du fait de l’accroissement des conflits non internationaux et de leurs externalités sur la scène internationale ; ainsi que suite à l’acception désormais plus large du concept de sécurité, englobant notamment la sécurité humaine et la promotion des droits de l’Homme.

Ainsi, la résolution des conflits internes se révèle être aujourd’hui un de ses enjeux majeurs et se présente comme un défi crucial à la sécurité collective mise en place dès la fin de la première Guerre Mondiale.

Si l’ONU apparaît comme l’organisation la plus légitime à s’intéresser à ces conflits et à rassembler la communauté internationale pour œuvrer pour leurs résolutions, il n’en demeure pas moins que son action pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales est complexe et est entravée par des principes originels en apparence opposés et par des blocages internes multiples.

Les tentatives infructueuses, les échecs successifs et les critiques diverses relatifs à la résolution des conflits intraétatiques discréditent l’Organisation. Ne serait-elle plus capable de remplir son rôle initial ? L’impasse dans laquelle elle se trouve est majeure et de nature à remettre en cause le système onusien dans son ensemble. Pourtant, les intentions affichées de l’Organisation, son but, la nécessité de son action, la légitimité qu’elle a, devrait constituer une fondation solide pour son action et pour la résolution efficiente des conflits internes qui menacent la paix et la sécurité internationales.

Lacunaire, hésitant et parfois contre-productif, le mode de résolution onusien des conflits intraétatiques semble inadapté. Or pour comprendre ses difficultés, et espérer l’améliorer, il convient, tout d’abord, de faire un état du droit des Nations Unies afin d’identifier les dispositions prévues pour la résolution des conflits intraétatiques, puis de faire une analyse des tentatives infructueuses de résolutions onusiennes. Enfin, des prospectives et des propositions générales de réformes sont nécessaires pour redonner à l’ONU sa capacité d’agir pour mettre fin aux conflits intraétatiques et à leurs externalités déplorables.

 

Le maintien de la paix et de la sécurité internationales prévus par le droit des Nations Unies

L’universalisme incomparable de l’ONU implique que les obligations conventionnelles de la Charte des Nations Unies sont source de droit international public. Dénommé droit des Nations Unies, ce droit international particulier est contenu en premier lieu dans la Charte des Nations Unies, le traité constitutif de cette organisation internationale.

De même, comme toutes organisations internationales, l’ONU est régie par un principe de spécialité. Elle n’agit donc que dans le but de réaliser les objectifs assignés par la Charte.

Dès son article premier, la volonté commune des 51 Etats signataires et membres fondateurs transparaît, et l’ONU est alors dotée de la mission de maintenir la paix et la sécurité internationale. Pour ce faire, la Charte prohibe également le recours à la force dans les relations internationales.

Si longtemps, l’ONU s’est attachée à résoudre et prévenir les conflits interétatiques, depuis les années quatre-vingt, elle se préoccupe de toute situation pouvant se détériorer en conflit et situation militaire, comme l’a à juste titre souligné Louis B. Sohn, expert en droit international.

Pour réaliser son rôle, des mesures collectives sont alors prévues, faisant écho au concept de sécurité collective sur lequel repose le système onusien et l’ordre mondial actuel. Toute agression ou menace contre la paix est considérée comme mettant en danger la sécurité de l’ensemble des Etats, ceux-ci agissent donc de concert pour y mettre fin.

Le mode de règlement des différends prévu par la Charte, en son chapitre six, enjoint à privilégier les moyens pacifiques tels que des solutions négociées, la conciliation et la médiation. D’autres mesures coercitives, militaires ou non militaires sont également prévues au chapitre sept, afin de maintenir la paix et la sécurité internationales.

Pour réaliser cet objectif de maintien de la paix et de la sécurité internationales, l’ONU agit aujourd’hui principalement dans les domaines de la prévention des conflits, du rétablissement, du maintien et de la consolidation de la paix et de la sécurité internationales.

Son action repose sur une coopération internationale forte et le respect de principes fondamentaux. Présents à l’article deux de la Charte des Nations Unies, il s’agit notamment du respect de l’égalité souveraine de tous les Etats membres et de l’interdiction du recours à la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un Etat.

Résoudre les conflits internes va de pair avec la nécessité de porter une assistance humanitaire. Le but humanitaire de l’Organisation tire son origine des dispositions de la Charte relatives au développement et à la résolution de problèmes internationaux d’ordre humanitaire, ainsi que des résolutions humanitaires prises par l’Assemblée Générale et le Conseil de Sécurité des Nations Unies.

Pour autant, le mandat humanitaire de l’ONU connaît des limites imposées par la Charte, principalement celles du respect de la souveraineté et de ses principes corolaires relatifs à l’intégrité territoriale de l’Etat et à la non-ingérence dans ses affaires internes.

Or, pour mettre en œuvre l’assistance humanitaire, la présence sur le territoire de l’Etat est nécessaire. Le consentement de l’Etat est donc a priori requis.

 

Les résolutions humanitaires de l’Assemblée Générale des Nations Unies et du Conseil de Sécurité des Nations Unies

L’ONU dans sa mission de maintien de la paix et de la sécurité internationales s’appuient sur les travaux de l’Assemblée Générale et du Conseil de Sécurité des Nations Unies et notamment sur leurs résolutions dites humanitaires.

Concernant les résolutions de l’Assemblée Générale, bien qu’ayant une légitimité incomparable en raison de la composition universelle de cet organe de l’ONU, elles ne sont pas juridiquement contraignantes.

Elles font néanmoins partie de la soft law, et peuvent bénéficier, si elles sont accompagnées d’une pratique par la communauté internationale et de l’opinio juris, d’une reconnaissance en tant que droit coutumier.

Par ses résolutions, l’Assemblée Générale a ainsi ouvert le champ d’action de l’ONU, sans pour autant conférer un droit d’ingérence pour des raisons humanitaires.

Les résolutions du Conseil de Sécurité sont a contrario juridiquement contraignantes pour l’ensemble des Etats membres de l’ONU. En cas de menace ou de rupture de la paix et de la sécurité internationales, il peut prendre des résolutions portant des sanctions coercitives militaires ou non, afin de faire cesser les menaces ou les ruptures de la paix.

 

Le rôle central mais complexe du Conseil de Sécurité des Nations Unies

La Charte consacre également le rôle central mais complexe du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Il détient la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales, conformément à l’article vingt-quatre de la Charte.

Il est composé de cinq membres permanents : la Chine, les Etats Unis, la France, le Royaume Uni, et la Russie, dotés du droit de veto ; et de dix membres non permanents.

Seule autorité légale pour les interventions de la communauté internationale, il peut donc imposer des mesures coercitives militaires ou non, après qualification d’une situation comme menace contre la paix. Ce pouvoir de qualification est discrétionnaire, puisque rien ne définit clairement ce qui représente une menace contre la paix et la sécurité internationales.

L’absence d’une grille de vérification et d’analyse d’une situation comme telle présente l’avantage de laisser au Conseil de Sécurité la possibilité de s’adapter aux nouveaux défis sécuritaires en élargissant ses qualifications. D’une notion classique de menaces contre la paix lors de conflits armés internationaux, il a ainsi étendu la notion aux conflits internes ayant des répercussions internationales, puis aux conflits internes sans répercussion internationale et enfin aux violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire.

Cependant, l’absence de contrôle de ses qualifications est regrettable, puisqu’elle laisse planer le doute quant à une éventuelle instrumentalisation politique à des fins d’ingérence dans les affaires internes d’un Etat. Une telle situation serait contraire à la Charte des Nations Unies et serait illégal.

 

L’action fluctuante et hésitante du Conseil de Sécurité des Nations Unies dans la résolution des conflits internes

Les conflits internes sont particulièrement complexes et l’action de l’ONU s’avère de facto délicate.

Conformément à la doctrine de la responsabilité de protéger (“Responsibility to protect” ; R2P), telle qu’énoncée lors du Sommet mondial des Nations Unies en septembre 2005, corollairement à leurs souverainetés, les Etats ont la responsabilité de protéger leurs populations. Néanmoins, celle-ci incombe à la communauté internationale, lorsqu’ils ne le veulent pas ou ne le peuvent pas.

Ainsi, lors de violations systématiques des droits de l’Homme et du droit international humanitaire, le Conseil de Sécurité peut qualifier la situation de menace contre la paix et la sécurité internationales et imposer des mesures visant à la faire cesser. Pourtant, dans les faits, son action est fluctuante et l’engagement international demeure sélectif traduisant les enjeux de pouvoirs classiques et la prééminence d’intérêts nationaux sur la nécessité de secourir les populations.

De même, les conflits internes sont multiscalaires. En effet, d’abord locaux, puis régionaux et internationaux, ils impliquent des enjeux divers et des intérêts nationaux différents, ce qui conduit à des blocages au sein de Conseil de Sécurité des Nations Unies.

De plus, même quand le Conseil de Sécurité agit, l’application de ses résolutions n’est pas chose aisée. En effet, que ce soit en raison de leurs interprétations plurielles ou de la mauvaise foi des Etats membres allant à l’encontre de leurs engagements, les résolutions onusiennes sont parfois vœux pieux, trop vagues, pour être réalisés.

Enfin, la mise en œuvre de l’intervention humanitaire sous mandat onusien, dans le cas de conflits intraétatiques, n’est pas évidente. Elle repose sur la difficile balance entre intérêts collectifs et respects des principes fondamentaux du droit des Nations Unies.

Afin de mieux comprendre, les difficultés actuelles du mode de résolution onusien, il convient de s’intéresser aux tentatives infructueuses de résolution de conflits internes par l’ONU.

 

Le bilan décevant de la tentative de résolution du conflit somalien

Le cas somalien est un exemple particulièrement frappant d’une tentative de résolution de conflit interne au bilan décevant.

Caractérisée par sa multiculturalité importante et sa division sous forme clanique, la Somalie est un Etat issu de la décolonisation, qui connaît dans les années quatre-vingt-dix une guerre civile qui fait basculer le pays dans le chaos et l’incertitude. Une crise humanitaire effroyable en découle.

Malgré la mise en place de deux missions humanitaires dénommées ONUSOM I et ONUSOM II, ainsi qu’une intervention par la Force Unifiée sous commandement américain (UNITAF), aucune solution n’est trouvée, tant sur le point de vue humanitaire que sur le point de vue politique.

Ambitieuse et novatrice, l’action de l’ONU avait pourtant élargi dans ce cas, l’acception de menaces à la paix et à la sécurité internationales pour les conflits internes présentant des menaces telles que le terrorisme, mais également en raison de la situation humanitaire extrêmement préoccupante.

De même, l’action de la communauté internationale avait été caractérisée par une substitution des enjeux géopolitiques et économiques au profit de la préoccupation désintéressée visant mettre fin à la situation humanitaire déplorable et dramatique.

Pourtant la crainte d’établir un précédent a induit la mise en place d’une stratégie fluctuante et confuse, nuisant à l’efficacité de la résolution du conflit par l’ONU.

La situation a semblé depuis s’être apaisée. Les élections de février 2017 du président Mohamed Abdullahi Mohamed portant l’espoir de la stabilité politique dans un Etat désormais partagé entre fédéralisme (Puntland) et séparatisme (Somaliland).

Pourtant, la Somalie demeure un Etat défaillant qui présentent des menaces multiples pour la paix et la sécurité internationales. Son territoire est nécrosé par le terrorisme d’al Shabab et gangrené par la corruption. Ses eaux sont devenues un repaire de la piraterie.

L’ONU continue d’être préoccupée par la situation en Somalie, ce qui se traduit notamment par son mandat actuel, prévoyant l’intervention de l’Union Africaine au sein de l’AMISOM et par ses nombreuses résolutions pour tenter de mettre fin aux menaces sécuritaires et humanitaires présentes dans cet Etat fragile.

Ainsi, la Somalie, vingt ans après, connaît une instabilité forte. Elle est le terreau de menaces diverses et fragilise, par son instabilité, les régions alentours.

Le cas somalien n’est pas le seul conflit interne dont la résolution onusienne fût décevante. En effet, il est un cas des plus emblématiques, ayant particulièrement marqué l’histoire de l’intervention humanitaire : le cas libyen. Incontournable, l’étude de ce cas permet de comprendre les évolutions et les réticences à l’application du concept de la responsabilité de protéger.

 

Le cas emblématique du conflit libyen

Suite à la répression massive des rebellions de la population libyenne en 2011, par Mouammar Kadhafi, l’ONU intervient en rappelant d’abord la responsabilité incombant à la Libye de protéger sa population, puis en mettant en œuvre l’assistance humanitaire. Elle finit par autoriser, dans sa résolution 1973, l’intervention en Lybie dirigée par l’OTAN.

L’action onusienne a été graduelle mais rapide, afin de s’adapter à l’urgence de la situation en Libye et à la menace réelle pesant sur la population.

L’usage de la force est alors mis en œuvre pour protéger les populations et les zones civiles. Les rebelles ainsi aidés finissent par faire chuter le régime. En octobre 2011, Mouammar Kadhafi est tué. Le conflit libyen étant alors considéré comme achevé.

Le Conseil de Sécurité des Nations Unies fait, dans le cas libyen, une application discrète de la responsabilité de protéger. Il rappelle l’obligation incombant à l’Etat libyen, mais ne fait pas référence explicitement à un quelconque devoir incombant à la communauté internationale et cela malgré la volonté manifeste de Kadhafi de nuire à sa population.

L’application du concept est également exceptionnelle, car le conflit libyen est le premier cas où l’usage de la force est mis en œuvre, en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, sans le consentement de l’Etat, alors que celui-ci est fonctionnel. Mouammar Kadhafi étant lui-même à l’origine des massacres sur sa population, son consentement n’était évidemment pas envisageable.

De même, le consensus régional et le non-usage du veto confère à l’application de la responsabilité de protéger dans le cas libyen un caractère unique.

Bien que nécessaire, l’action sous mandat onusien a été particulièrement controversée. D’une part, en raison des interprétations multiples de la résolution 1973 et d’autre part, en raison du changement de régime induit.

Le bilan de la résolution du conflit libyen reste tout de même décevant. En effet, la Libye est aujourd’hui un Etat proche de la défaillance, où évoluent une myriade de groupes armés. Elle est également le terreau de potentielles menaces contre la paix et la sécurité internationales telles que la prolifération des trafics de drogues, le terrorisme, et une situation humanitaire inquiétante.

L’ONU continue donc d’agir en Libye en renouvelant de manière récurrente le mandat de la Mission d’appui des Nations Unies (MANUL) et en continuant de prendre des résolutions relatives au contexte sécuritaire libyen (mesures relatives au terrorisme, mesures de sanctions, embargo d’armes, etc.…)

Enfin, la résolution du conflit libyen par l’ONU a eu un impact sur l’application de la responsabilité de protéger. Bien qu’elle n’ait pas cessé d’être invoquée par le Conseil de Sécurité des Nations Unies et mise en œuvre, des réticences sont désormais présentes quant à l’application de la responsabilité de protéger selon le modèle mis en œuvre pour la résolution du conflit libyen. Le changement de régime étant notamment perçu comme un dépassement du mandat et un risque d’ingérence dans les affaires internes des Etats.

Ces deux cas démontrent que le mode de résolution onusien des conflits intraétatiques n’est pas à la hauteur de l’objectif affiché par l’Organisation du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Malgré ses tentatives, l’ONU ne parvient pas à résoudre durablement les conflits intraétatiques, qui après une période d’apaisement finissent par ressurgir et fragiliser les régions alentours.

Nonobstant la pertinence de l’action onusienne pour mettre fin aux tragédies humaines et aux violations massives des droits de l’Homme, le bilan sur le long terme demeure décevant.

Si dans ces cas l’Organisation a pu tenter d’intervenir, dans d’autres l’ONU est paralysée et subit des blocages internes en dépit des faits avérés de violations de droits de l’Homme et du droit international humanitaire. C’est notamment le cas de la Syrie, où l’Organisation n’est pas parvenue à agir pour résoudre le conflit et mettre fin à la tragédie humaine.

 

L’incapacité pour l’ONU à résoudre la tragédie humaine syrienne

La situation syrienne actuelle illustre l’impasse fonctionnelle et institutionnelle dans laquelle se trouve l’ONU qui peine à résoudre les conflits intraétatiques aux externalités d’une ampleur internationale, faisant planer une menace pour la paix et la sécurité internationales.

Conflit interne particulièrement alarmant, il est également marqué par une régionalisation et une internationalisation très forte et par la présence d’une multitude de belligérants aux intérêts divers.

D’une guerre civile née de la contestation du régime de Bachar al-Assad, le conflit syrien est le théâtre, six ans après son commencement, d’une crise humanitaire sans précédent.

Malgré la nécessité de mettre fin au conflit, le Conseil de Sécurité des Nations Unies n’a pas su réunir la communauté internationale. Les Etats sont intervenus de manière disparate. Le jeu des puissances et des alliances s’est notamment traduit par l’utilisation répétée du veto au sein du Conseil de Sécurité des Nations Unies.

Sous couvert de ne pas reproduire le cas libyen, la responsabilité de protéger dans le cas syrien a été rapidement écartée. Aucune intervention humanitaire n’a donc pu être mise en place.

A défaut de pouvoir agir de concert pour résoudre la crise humanitaire, l’ONU a œuvré pour rassembler la communauté internationale dans la lutte contre la menace terroriste issue du conflit syrien. Pour autant, même en ce qui concerne cette menace globale a priori indiscutable, l’application des résolutions de facto ne correspond pas toujours à la lettre des résolutions portées par le Conseil de Sécurité des Nations Unies. D’une volonté énoncée d’intervenir de manière coordonnée et uniforme, les résolutions ont été instrumentalisées pour intervenir dans le conflit et aider l’une ou l’autre des parties.

L’échec de l’Organisation à empêcher et à stopper la crise humanitaire syrienne démontre la nécessité impérieuse d’améliorer le mode de résolution onusien des conflits intraétatiques sous peine de voir l’ONU se murer dans son inaction au péril des vies humaines et de la sécurité internationale dans son ensemble.

 

Propositions de réformes en vue de l’amélioration du mode de résolution onusien des conflits internes

Inadéquat et lacunaire, le mode de résolution onusien des conflits intraétatiques doit donc être changé. Des réformes à la fois institutionnelles et substantielles pourraient vraisemblablement l’améliorer afin de résoudre de manière définitive les conflits intraétatiques, sans résurgence après un apaisement temporaire.

Tout d’abord, réformer le Conseil de Sécurité permettrait d’écarter les soupçons qui pèsent sur les décisions prises d’instrumentaliser les interventions. Cela passe notamment par une meilleure représentativité de la communauté internationale au sein de cet organe central. De même, limiter le recours au droit de veto dans des cas de nécessité humanitaires démontrerait une volonté de faire supplanter aux intérêts nationaux, les intérêts collectifs de maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Le renforcement et l’implémentation des dispositions de la Charte visant à doter l’Organisation de moyens propres seraient également fondamentaux pour que l’Organisation puisse atteindre son objectif désigné.

De plus, une des principales difficultés à l’efficacité du mode de résolution onusien des conflits intraétatiques réside substantiellement dans le manque d’anticipation lors des résolutions. Une approche globale s’appuyant sur la prévention, la protection et la reconstruction permettrait de remédier à cette lacune flagrante et récurrente. La temporalité des conflits ne s’arrêtant pas lorsque les armes cessent mais quand l’Etat est reconstruit et connaît une réelle stabilité.

Enfin, l’identification de cadres clairs à l’action onusienne pour la résolution des conflits intraétatiques serait le moyen de redonner à l’Organisation sa crédibilité et sa légitimité.  Concept récent, la protection responsable (“Responsibility While Protecting”) apporte notamment quelques pistes susceptibles d’aider à faire gagner l’ONU en efficacité. L’amélioration porte principalement en deux axes : la précision des mandats onusiens et le renforcement des contrôles des mandats.

 

Propos conclusif

L’ONU a pour vocation le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Ainsi, lorsque le concept de sécurité a évolué en une acception plus large comprenant la sécurité humaine, l’ONU s’est préoccupée des conflits intraétatiques, sources de crises humanitaires et sécuritaires, et de violations du droit international humanitaire.

Le mode de résolution onusien des conflits intraétatiques est en apparence relativement simple. Pour mener à bien son objectif de maintien de la paix et de la sécurité, l’ONU doit mettre fin à ce qui les menace. Ainsi, si un conflit interne fait peser une menace contre la paix et la sécurité internationales, le Conseil de Sécurité des Nations Unies le constate et prend alors les mesures qu’il juge appropriées pour y mettre fin.

La réalité est plus compliquée.

D’abord, très simplement, les interventions humanitaires font l’objet de suspicions d’ingérence dans les affaires internes d’un Etat. La responsabilité de protéger les populations par l’intervention de la communauté internationale est alors soupçonnée d’être un Cheval de Troie.

Outre ces réticences, des blocages au sein du Conseil de Sécurité paralysent dans certains cas l’action onusienne. Les enjeux nationaux et géostratégiques des Etats membres supplantant les intérêts collectifs.

L’ONU ne peut alors pas agir. Le conflit interne se poursuit sans aucune action possible de la part de la communauté internationale. Les Etats agissent alors unilatéralement. L’ONU, n’ayant aucun recours possible, n’a d’autre possibilité que d’attendre la fin naturelle du conflit -et cela malgré la tragédie humaine et les crimes contre l’humanité commis.

C’est notamment le cas du conflit syrien, dont l’issue n’est pas encore trouvée sur le plan politique, ni même sur le plan humanitaire et encore moins en ce qui concerne la justice pour ne pas laisser impunis les crimes commis.

Dans d’autres cas, lorsque les Etats membres du Conseil de Sécurité jugent opportun qu’un conflit interne soit qualifié de menace contre la paix et la sécurité, ils prennent alors des mesures visant à mettre fin à la menace.

Malheureusement, dans les faits, même si l’action est déjà un pas en avant, les modalités démontrent des lacunes et des faiblesses qui irrémédiablement ont des conséquences.

Sur le court terme, le mode de résolution de l’ONU semble faire parvenir à un apaisement des tensions et la fin des conflits. Pourtant, sur le moyen et long terme, cette paix durement acquise, souvent par le sang, laisse place à de nouvelles instabilités et tensions. Les Etats retombent alors dans des situations internes conflictuelles où l’instabilité fait naître de nouvelles menaces pour la paix et la sécurité internationales.

Qu’il s’agisse du terrorisme, comme c’est le cas en Libye, ou bien de la piraterie, comme c’est le cas en Somalie, les menaces sont nombreuses. De même, l’ombre des guerres civiles planent désormais de nouveau sur ces Etats.

Ainsi, lorsque l’ONU agit pour intervenir, notamment en autorisant l’usage de la force, les précédents montrent que le bilan est décevant et que le mode de résolution a échoué : le chaos étant de nouveau le quotidien de ces Etats.

Pourtant, lorsque l’ONU n’agit pas, le chaos demeure également le quotidien de ces Etats.

L’ONU par son incapacité manifeste à résoudre ces conflits internes, se discrédite et se voit délégitimée dans sa fonction de maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Or, aujourd’hui, si l’ONU ne peut agir, personne d’autre ne semble le pouvoir non plus. Ni institution, ni Etat ne possède la légitimité qu’à l’ONU dans cette mission. Pourtant son mode de résolution inadapté la rend de moins en moins crédible dans son rôle.

L’ONU connaît peut-être bien, en ce moment même, une de ses plus importantes crises identitaires. Pour l’humanité et pour sa continuité l’ONU doit donc engager des réformes pour améliorer son approche et son mode de résolution des conflits internes et intraétatiques.

Pour identifier les améliorations possibles, il faut avoir conscience des lacunes et des obstacles. C’est pourquoi, l’étude des cas où le mode de résolution a échoué doit être effectuée.

Vraisemblablement, le mode de résolution de l’ONU paye le tribut de l’usage répété du veto, dans des situations qui ne laissent pourtant aucune incertitude sur les atrocités commises. Le restreindre permettrait, le temps d’un conflit, pour des raisons d’humanité, de laisser les enjeux stratégiques et politiques de côté.

De même, une clarification des mandats paraît essentielle. Plus précis, ils permettraient une unique interprétation et une action concertée et commune. Les actions sous mandat onusien seraient moins sujettes à critique et seraient légitimées par le consensus obtenu.

Quelles que soient les réformes, il est important de garder à l’esprit que l’ONU n’est pas distincte de ses 193 Etats membres. Ce sont les Etats qui peuvent réformer l’ONU et ainsi lui donner les moyens d’agir.

Ce sont également les peuples, via l’opinion publique et la société civile, qui peuvent influer sur les décisions de leurs Etats et ainsi influer indirectement sur l’Organisation et son mode d’action.

 


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