Les blockchains au service de l’énergie

Mis en ligne le 09 Oct 2018

Cet article propose des clefs de lecture sur la technologie Blockchain et sur son application au bénéfice de l’énergie et de sa gestion. Les auteurs explorent les opportunités que pourraient offrir cette technologie pour transformer les infrastructures énergétiques, électriques en particulier, en un nouveau modèle plus décentralisé et plus économe.


Les opinions exprimées dans cet article n’engagent pas le CSFRS.

Les références originales de ce texte sont : Jean Wild, Nicolas Plain, “Les Blockchains au service de l’énergie”, Article n°118, Juillet 2018, Encyclopédie de l’énergie.

Ce texte, ainsi que d’autres publications peuvent être visionnés sur le site de l’Encyclopédie de l’énergie.


« Grâce à mon panneau solaire, je gagnerai  deux  bitcoins que je dépenserai auprès d’un producteur local de fruits et légumes ». Dénommée blockchain, cette technologie, utilisée par les cryptomonnaies tels que le Bitcoin, est en plein essor. Est-ce très raisonnable ? Peut-on lui faire confiance ?

La technologie blockchain pourrait être très utile pour gérer la complexité de certaines composantes  de la transition énergétique telle que l’intégration d’une importante capacité de production d’électricité en provenance de sources renouvelables. En quoi consiste cette technologie et quelles sont ses applications potentielles à l’énergie ? La régulation et les modèles d’affaires sont-ils suffisamment clairs pour qu’elle puisse être appliquée au secteur énergétique ? Qu’en est-il de sa consommation énergétique intrinsèque ?

1.  Origine des blockchains

La blockchain est une technologie développée au service de la cryptomonnaie. Celle-ci est née de la défiance d’une petite communauté de développeurs, après la crise de 2008, vis-à-vis du système bancaire centralisé et des marchés traditionnels [1]. Longtemps cantonnée à cette petite communauté dans différents pays du monde, sa notoriété a explosé en 2017 avec la démocratisation et l’engouement pour les cryptomonnaies, tel que le Bitcoin :  près de 3 millions de personnes en possèdent actuellement d’après l’Université de Cambridge.

1.1. Le bitcoin en 2008

Figure 1: Création des bitcoins en 2008 suite à la chute de la banque d’investissement Lehman Brothers

Le concept de Blockchain est apparu avec la création du Bitcoin en 2008 et le white Paper de Satoshi Nakamoto [1]. Sous une dénomination tirée de la jonction de bit (unité d’information binaire en informatique) et coin (pièce de monnaie), cette innovation faisait suite à la chute de la fameuse banque d’investissement Lehman Brothers  dont une des conséquences était le refus de faire une confiance aveugle à un organisme centralisé pour garder les liquidités (figure 1). Le Bitcoin est la première monnaie cryptographique qui va permettre des paiements pair-à-pair (peer-to-peer)[2].

Les bitcoins sont créés conformément à un protocole qui rétribue les agents ayant validé des transactions. Ces agents mettent à contribution leur puissance de calcul informatique afin de vérifier, de sécuriser et d’inscrire les transactions dans un registre virtuel, appelé la blockchain, sorte de grand livre de comptes infalsifiable et décentralisé.

En tant que monnaie ou commodité, les bitcoins peuvent être échangés contre d’autres monnaies ou commodités, biens ou services. Le taux d’échange de la cryptomonnaie est fixé principalement sur des places de marché spécialisées et fluctue selon la loi de l’offre et de la demande. Le système fonctionne sans autorité centrale, ni administrateur unique, mais de manière décentralisée grâce au consensus de l’ensemble des nœuds du réseau. Les transactions en cryptomonnaie effectuées sont validées grâce à des ordinateurs qui appartiennent à des « mineurs » qui sont eux même rémunérés en bitcoin. Selon le Cambridge Center for Alternative Finance, « au mois d’avril 2017, la valeur de marché combinée de toutes les cryptomonnaies est de 27 milliards de dollars », une valeur comparable, selon l’étude, à celle d’entreprises de la Silicon Valley telles qu’Airbnb.

1.2. Qu’est-ce qu’une blockchain

Selon la définition de Blockchain France, la blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle.

Par extension, une blockchain constitue une base de données qui contient l’historique de tous les échanges effectués entre ses utilisateurs depuis sa création. Cette base de données est sécurisée et distribuée : elle est partagée par ses différents utilisateurs, sans intermédiaire, de façon décentralisée, ce qui permet à chacun de vérifier la validité de la chaîne.

Le mot-clé ici est « décentralisé », puisqu’une blockchain forme un registre public, permanent et immuable, dont la cohérence et l’intégrité sont maintenues par les participants au réseau, sans la moindre entité de contrôle, serveurs centraux ou tiers de confiance[3]. En clair, elle évite le recours à un « tiers de confiance » qui centralise toute l’information.

Toutes ces données sont compilées dans un même fichier, qui est ensuite dupliqué sur l’ensemble des ordinateurs participant à la blockchain. La synchronisation du registre de données entre tous les participants est essentielle puisqu’elle garantit son immuabilité. Tous les participants doivent en effet disposer des mêmes informations sur les transactions réalisées. Le principe de la blockchain consiste à créer une liste temporaire des données en attente (cette liste constitue un bloc) puis de valider et partager cette liste de manière cadencée grâce à un procédé de vérification cryptographique. Ce procédé est au cœur de la sécurité de la technologie. Une fois le nouveau bloc validé, il est ajouté à la suite de la chaîne de blocs et le processus recommence.

1.3. Qui fait fonctionner une blockchain

Dans le cas des blockchains publiques, la participation est ouverte à tous les volontaires. Cette participation, appelée « minage », est rémunérée dans la cryptomonnaie associée à la blockchain (des bitcoins pour la blockchain Bitcoin, des éthers pour la blockchain Ethereum, notamment). Si tout le monde peut participer, la pratique montre que le « minage » est devenu un marché très compétitif et qu’il est désormais essentiellement réalisé par d’immenses fermes de minage qui regroupent une forte capacité de calcul dans des pays où l’électricité est disponible à bas prix, Islande ou Chine, par exemple (figure 2).

Figure 2: Une ferme de minage en Chine. Source.

 

2. Application des blockchains à l’énergie

Appliquée au secteur de l’électricité, la blockchain offre de nouvelles opportunités pour légitimer, sécuriser et valoriser automatiquement les transferts d’énergies entre producteurs et consommateurs, sans passer par un intermédiaire centralisé (fournisseur). Ce changement de paradigme, fait de la blockchain un levier pertinent pour consommer et échanger de l’électricité sur une boucle locale (Lire : Le numérique au service d’une gestion économique de l’énergie).  Différents domaines de l’énergie sont concernés. Citons les communautés énergétiques en Europe et un peu partout dans le monde, l’électrification des zones qui n’ont aujourd’hui pas d’accès à l’énergie comme certaines régions d’Afrique et d’Asie. Il est intéressant de constater que ces deux applications sembleraient converger d’un point de vue technologique sans pour autant être issues d’un même processus d’électrification (figure 3 et figure 7). Enfin, l’avènement du véhicule électrique pourrait également faire appel à cette technologie pour permettre une recharge des batteries plus intelligente. 

Le partage d’appartements, de voitures, le financement participatif (crowdfunding) ou encore la volonté de consommer en circuit court sont autant d’usages qui transforment notre économie à un rythme inattendu, comme en témoigne le développement d’entreprises du numérique telles que Blablacar ou Airbnb. L’énergie semble suivre ce mouvement et rejoindrait ainsi la vision de Jérémy Rifkin dans son ouvrage sur la 3ème révolution industrielle. Demain, « grâce à mon panneau solaire, je gagnerai 2 bitcoins que je dépenserai auprès d’un producteur local de fruits et légumes »[4]. C’est ce que permet de faire la technologie blockchain.

2.1.  Les Communautés énergétiques en Europe et ailleurs

La notion de communauté énergétique a récemment fait son apparition en Europe. Un nouveau modèle de production et de consommation d’énergie baptisé Local Energy Communities (LEC) a en effet vu le jour : ce concept est en train d’émerger à l’échelle mondiale. Dans le contexte de la directive européenne sur l’électricité (2009/72/CE) et selon le Winter Package du 30 novembre 2016, il est défini comme «une association, une coopérative, un partenariat, une organisation à but non lucratif ou une autre entité juridique qui est contrôlée par des actionnaires ou des membres locaux, plutôt que d’être motivé par le profit, impliqué dans la production décentralisée et dans les activités d’exécution d’un opérateur de système de distribution, d’un fournisseur ou d’un agrégateur au niveau local, y compris au-delà de ses frontières “[2].

Des citoyens engagés dans une communauté énergétique locale peuvent ainsi conduire à la création d’un marché local, favorisant l’optimisation de l’offre et de la demande au niveau local tout en facilitant l’intégration des énergies renouvelables et en permettant une expansion ou une exploitation rentable du réseau. Ces prosumers (à la fois producteurs et consommateurs) collectifs peuvent devenir des catalyseurs importants de la transition énergétique en encourageant l’électromobilité et les économies d’énergie, en stimulant les échanges énergétiques et en encourageant la création de microgrids intelligents tout en augmentant l’efficacité énergétique des acteurs (Lire : Microgrids : comment contribuent-ils à la transition énergétique ?).

Par ailleurs, l’économie « tokenisée[5]» associée à la blockchain est actuellement en plein essor. Les technologies Blockchains peuvent en effet être vues comme une couche technologique capable de fournir plusieurs fonctionnalités, du type base de données sécurisée pour certifier la provenance de l’électricité, qualités et sources, enregistrements de transactions, tokenisation d’actifs et échange de valeur entre les acteurs du marché. Ces fonctionnalités peuvent clairement ouvrir la voie à la réalisation de structures de marchés décentralisés peer-to-peer[6].

La création de nouvelles communautés énergétiques semble pouvoir être favorisée par les technologies Blockchains (figure 3).

Figure 3: Schéma d’une communauté énergétique utilisant la technologie Blockchain [7]

Avec la blockchain, les usagers du microgrid pourront directement s’échanger de l’énergie en temps réel. Leur transaction d’électricité est légale, transparente, sécurisée et monétisée via la blockchain. Les distributeurs d’électricité constituent des facilitateurs neutres des communautés d’énergie par la maitrise et la fourniture des données au travers du déploiement des compteurs communicants mais les modèles d’affaire et la régulation doivent pour cela évoluer (Lire : Le compteur communicant).

2.2 L’exemple de la communauté d’énergie “laboratoire”: Brooklyn Microgrid

Brooklyn Microgrid (figure 4) est un projet de de communauté énergétique à l’échelle d’un quartier. Le projet est soutenu par l’Etat de New-York, via New York State Energy Research and Development Authority (NYSERDA). Cette communauté énergétique rassemble aujourd’hui 150 habitations. Les objectifs annoncés du projet sont de favoriser le développement de microgrids afin d’améliorer la résilience du réseau électrique face aux catastrophes naturelles, développer localement les énergies renouvelables et favoriser l’efficacité énergétique ainsi que le la gestion intelligente de la demande. Le projet est développé par la joint-venture TransActive Grid composée des deux jeunes entreprises : LO3 Energy, une société de conseil développant des systèmes décentralisés dans l’énergie et l’environnement, et ConsenSys, une startup qui développe des applications sur la technologie blockchain.

 La première étape a consisté à créer un marché local d’énergie. Il s’agit de permettre d’échanger de l’énergie et de lui attribuer un prix, de façon directe et locale. Pour cela, il a fallu multiplier les compteurs intelligents (smart meters) et valoriser l’énergie produite localement grâce à un système de jetons (tokenisation). Si un producteur/consommateur produit davantage d’énergie verte qu’il n’en consomme, alors il dispose d’un excédent d’énergie. Ce surplus est revendu sur le réseau, en échange de jetons. Ces jetons sont ensuite échangeables localement. Ils constituent une monnaie locale d’énergie, avec un fonctionnement similaire à d’autres monnaies locales classiques, non virtuelles.

Figure 4: Des habitants de Brooklyn ont créé leur micro-réseau d’énergie verte, facilité grâce à la technologie « blockchain ». LO3 ENERGY

 

2.3 L’accès à l’énergie en Afrique

En 2016, 1,1 milliards de personnes n’avaient pas accès à l’électricité dans le monde. 80% de ces personnes sans électricité habitent dans des zones rurales et 600 millions en Afrique Subsaharienne. (Lire : L’électrification rurale en Afrique Sub-saharienne).

Face à ce déficit d’accès à l’électricité, plusieurs modèles d’électrification émergent pour amener l’électricité dans les zones isolées, notamment le concept d’électrification latérale[8]. Il s’agit d’une électrification qui se situe à mi-chemin entre les solutions de réseaux électriques centralisées et les solutions d’électrification individuelle de type petits panneaux solaires individuels. En effet, une électrification telle qu’on l’a connue en Europe avec des investissements massifs d’infrastructures centralisées n’est plus possible aujourd’hui en Afrique. 

De tels programmes de développement d’infrastructures électriques, du haut vers le bas, reposant sur une planification et des investissements publics massifs à l’échelle nationale n’ont pu être réalisés que dans les pays où capacité financière publique et stabilité politique étaient durablement réunies et où la densité de la demande en énergie était d’emblée très élevée, du fait d’une forte concentration humaine ou de la présence initiale de processus industriels, gros consommateurs d’énergie. De telles conditions ne sont malheureusement pas réunies dans les pays où vivent aujourd’hui la plupart des populations non électrifiées et ne le seront vraisemblablement toujours pas dans la majorité d’entre eux dans un avenir proche. Par ailleurs, quand bien même cette électrification centralisée serait possible, elle ne répondrait pas aux objectifs du changement de paradigme énergétique qui doit intégrer une grande partie d’énergie renouvelable pour être en accord avec les objectifs climatiques de la COP21 (Lire : Microgrids : comment contribuent-ils à la transition énergétique ?).

Figure 5 : électrification individuelle au Sénégal. Source 360 Media digital marocain.

D’autres perspectives d’électrification sont d’autant plus concevables que se développent depuis plusieurs années des modèles d’électrification individuelle qui permettent l’alimentation de petite puissance à l’échelle d’un foyer familial. Ils regroupent différentes technologies de production autonome d’électricité pour les besoins de clients individuels. Couvrant une large gamme de prix et de niveaux de service, ils ont en commun d’être conçus pour couvrir des besoins de base, de familles ou petits commerçants, indépendamment de tout réseau (figure 5). 

Ces systèmes vont des petites lanternes solaires à des systèmes solaires domestiques et/ou des groupes électrogènes de petite taille. En offrant une réponse rapide aux besoins urgents de populations éloignées de tout réseau électrique, ces systèmes ont d’ores et déjà permis d’améliorer les conditions de vie de millions d’africains.  Néanmoins, ils ne constituent pas une réponse optimale et durable aux problématiques énergétiques des zones isolées en Afrique, car leur puissance limitée ne permet pas d’alimenter des machines de plus grandes puissances (machines agricoles, pompes à eau, motorisation), indispensables au développement économique de ces zones (Lire : De l’énergie pour l’Afrique non raccordée au réseau, diagnostic et solutions).

Figure 6 : Système d’électrification pour l’Afrique à base d’énergie renouvelable pour un groupe d’habitation, village ou communauté agricole

Les deux approches, larges infrastructures et électrification individuelle, sont donc toutes les deux limitées. Le modèle intermédiaire d’électrification latérale suppose de concevoir et de déployer à grande échelle un nouveau modèle d’électrification progressif et modulaire, reposant sur les énergies renouvelables, les nouvelles technologies de l’information et de la communication et les ressources humaines locales (figure 6). Comme elle l’a déjà fait de manière spectaculaire pour ses infrastructures de télécommunication, l’Afrique pourrait aujourd’hui sauter une étape technologique en se détournant du modèle d’électrification centralisée du 20ème siècle pour développer directement les infrastructures électriques décarbonées, décentralisées et intelligentes, telles que les communautés d’énergie, dont les pays industrialisés rêvent aujourd’hui. Ce modèle nommé l’électrification latérale [8] ressemble fortement au modèle de l’électrification des communautés énergétiques vue précédemment d’un point de vue technologique.

Dans le contexte africain, une des attentes forte vis-à-vis de l’intelligence des systèmes électriques est la sécurisation et la transparence de l’achat et la vente d’électricité en supprimant les transactions monétaires en espèces afin de limiter les déplacements, couteux en zone rurale, et d’empêcher tout détournement de la part des agents commerciaux de terrain. L’intelligence des systèmes, en particulier l’utilisation de la technologie des blockchains combinée à des compteurs intelligents, pourrait constituer une solution pour y répondre (figure 7).

Figure 7: Le modèle d’électrification latérale, facilité par l’utilisation de la technologie blockchain

2.4 Autres applications à l’énergie

L’utilisation de blockchains ne se limite pas aux communautés énergétiques ou à l’électrification des zones non électrifiées. Elle peut concerner tous types d’échange pair à pair monétisable et contrôlé par des outils informatiques. L’utilisation de la blockchain peut, par exemple, servir les bornes de rechargement électrique, là encore pour permettre l’enregistrement des transactions d’électricité ainsi que leur suivi comptable en toute transparence et sans erreur possible.                                    

Plusieurs initiatives émergent actuellement. SolarCoin, monnaie virtuelle qui permet de récompenser les producteurs d’électricité solaire, est reconnue par l’Agence internationale de l’énergie renouvelable (IRENA). Pour chaque MWh d’énergie solaire, 1 SolarCoin est accordé au producteur. Ces jetons s’échangeront ensuite sur une place de marché sans intermédiaire. Seules l’offre et la demande fixeront les prix de l’énergie. De son côté, la start-up Grid Singularity implante, en partenariat avec IBM et LO3 Energy, cette technologie à destination des pays en voie de développement dans des zones peu ou pas rattachées au réseau de distribution[9].

3.Verrous techniques et régulatoires

L’application des blockchains aux activités énergétiques n’en est qu’à ses balbutiements. Pour avancer, divers obstacles vont devoir être surmontés.

3.1. Consommation d’énergie

Selon l’indice de consommation d’énergie Bitcoin (BECI) de Digiconomist, chaque transaction Bitcoin individuelle consomme jusqu’à 275 kWh d’électricité. La dernière estimation de la consommation annuelle totale d’énergie de Bitcoin de l’ordre de 29,05 TWh par an, soit l’équivalent de 0,13 % de la consommation annuelle totale d’énergie dans le monde. Si la blockchain Bitcoin était un pays, il se classerait 61ème en termes de consommation d’électricité à l’échelle mondiale et dépasserait par exemple la consommation annuelle électrique d’un pays comme l’Irlande [4].

Le processus responsable de la forte consommation électrique de la blockchain publique bitcoin est celui de validation des blocs, basé sur la résolution d’un problème mathématique (preuve de travail) nécessitant des capacités de calcul très importantes. Ce procédé de validation a été inscrit à la base de la Blockhain bitcoin, il y a presque 10 ans, et n’est pas modifiable pour cette blockchain particulière. Or, depuis 2008, la technologie blockchain a connu une évolution fulgurante avec le développement d’alternatives par rapport au procédé de validation utilisé dans la blockchain Bitcoin, beaucoup moins énergivores et plus rapides.

Les nouvelles blockchains sont et seront donc beaucoup moins énergivores que celle associée au Bitcoin, souvent citée en exemple.

3.2. Régulation et tarification de l’énergie

En 2018, les applications blockchains soulèvent nombre d’incertitudes lors de leur mise en œuvre industrielle car elles en sont à leurs débuts. En effet, bien qu’ayant un très fort potentiel, la technologie est encore en phase de développement et beaucoup de projets restent au stade de Proof Of Concept (POC).

Dans ce contexte, l’absence d’un cadre peut également être considérée comme un défi et une opportunité [6]. Si la blockchain offre une option viable et facile à implanter dans tous types de réseaux, elle soulève de nombreuses questions liées à la régulation et à l’économie de marché. Les acteurs historiques qui se trouvent indirectement affectés par cette gestion locale pair-à-pair, vont devoir faire face à la multiplication de marchés locaux de l’énergie en concurrence avec le marché global de l’énergie. Ces interactions peuvent bouleverser le marché, l’énergie produite n’étant plus en lien direct avec son prix [9].

En France, par exemple,  l’autoconsommation se matérialise par le non-paiement du Tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE), nécessaire à l’exploitation, à la maintenance et au développement du réseau électrique. Ainsi, si l’autoconsommation collective venait à se multiplier grâce aux technologies blockchain, il serait nécessaire de faire évoluer le système de tarification, pour garantir la modernisation du réseau public et sa juste rémunération [4].

3.3. Peut-on faire confiance à la technologie?

La blockchain, peut-elle être garante des obligations contractuelles ?

Les smart contracts constituent l’une des illustrations de l’utilisation de la blockchain pour sécuriser les transactions contractuelles[10]. Ces protocoles informatiques exécutent automatiquement les termes d’un contrat ; leur objectif est de satisfaire les conditions contractuelles, comme les termes du paiement ou ceux de la livraison, mais aussi ceux de la confidentialité, et même de l’exécution des obligations réciproques. Par suite, le caractère numérique et automatisé du contrat permet à deux partenaires de nouer une relation commerciale sans qu’ils aient besoin de se faire confiance au préalable, sans autorité ou intervention centrale. C’est le système lui-même, et non ses agents, qui garantit l’honnêteté de la transaction.

La blockchain peut être assimilée classiquement à un « gros » livre de comptes accessibles et auditables, déployé sur le réseau Internet. Elle repose en effet sur un très grand nombre de ressources informatiques distribuées de par le monde, appelées « nœuds », qui participent à son fonctionnement. Dans le cas de la blockchain publique, n’importe qui peut contribuer ; il suffit de posséder un ordinateur d’une puissance suffisante et d’y exécuter le code associé[11].

Au total, la blockchain repose sur des principes conceptuels forts qui la positionnent naturellement comme la technologie de confiance par excellence [11].

  • Son architecture décentralisée et la neutralité de sa gouvernance s’appuient sur le principe de consensus : reposant sur un très grand nombre de contributeurs indépendants, elle est par nature décentralisée. Cela signifie, contrairement à une architecture centralisée où les décisions peuvent être prises unilatéralement, qu’il faut atteindre un consensus ou bien réussir à contrôler plus de 50 % de la puissance de calculs de la blockchain (ressources informatiques), pour avoir un effet sur le système. Ainsi, tout changement de règles de gouvernance doit être préalablement approuvé par consensus par les contributeurs, qui doivent alors mettre à jour le code logiciel exécuté.
  • La transparence des algorithmes offre une meilleure auditabilité : toute transaction, tout bloc, toute règle de gouvernance est librement accessible et lisible par tout le monde ; à ce titre, n’importe qui peut auditer le système pour s’assurer de la bonne marche de la blockchain et de la légitimité des transactions. L’avantage est de permettre aux experts de la communauté d’utilisateurs de scruter le code et d’alerter en cas de suspicion. La confiance repose donc sur les lanceurs d’alertes.
  •  Les technologies sous-jacentes sont sûres car les techniques cryptographiques et les modalités d’utilisation garantissent que la blockchain ne peut pas être altérée, que les transactions inscrites sont authentiques, même si elles sont émises sous couvert d’un pseudonyme, et enfin que la sécurité de la blockchain est en mesure de suivre les évolutions technologiques grâce à un niveau de sécurité adaptatif.

Conclusion

La technologie blockchain appliquée à l’énergie pourrait contribuer au développement des communautés énergétiques des pays industrialisés et à l’électrification des zones dans lesquelles les populations n’ont pas encore accès à l’énergie via un processus d’électrification latérale. Communautés énergétique et électrification latérale convergent ainsi au travers de technologies communes telles que les blockchains. L’intérêt réside principalement dans la sécurisation et la transparence de l’achat et la vente d’électricité en supprimant les transactions monétaires directes. D’autres applications autour du véhicule électrique et de la production d’électricité renouvelable se développent également. Néanmoins, certains verrous relatifs aux modèles d’affaire et à la régulation doivent d’abord être levés, notamment au travers de différents projets pilotes qui émergent aujourd’hui. C’est un préalable avant le développement à grande échelle de cette technologie.

 

 

 

References[+]


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