L’Asie du Sud-Est face à un scénario de conflit à Taïwan

Mis en ligne le 26 Avr 2024

L’Asie du Sud-Est face à un scénario de conflit à Taïwan

L’Asie du Sud-Est serait une des régions les plus exposées en cas de conflit à Taïwan. C’est l’hypothèse que le présent papier s’attache tout d’abord à confirmer, en identifiant les liens entre cette région et la « République de Chine ». Sont ensuite analysées les différentes postures que les pays du Sud-Est asiatique pourraient adopter, notamment à l’aune de leur positionnement vis-à-vis de crises extérieures et de leur relation avec la « République Populaire de Chine ». Différentes propositions de positionnement pour la France sont enfin exposées.

Les opinions exprimées dans cet article n'engagent pas le CNAM.

Les références originales de cet article sont : Simon Menet « L’Asie du Sud-Est face à un scénario de conflit à Taïwan », FRS. Ce texte, ainsi que d’autres publications, peuvent être consultés sur le site de l’FRS.

L’Asie du Sud-Est serait l’une des régions les plus exposées en cas de conflit à Taïwan. Un blocus militaire ou une invasion de l’île par la Chine auraient un impact économique considérable pour les économies de la zone, à la fois dépendantes de l’industrie taïwanaise et très intégrées à la Chine, premier partenaire commercial de l’Association des Nations du Sud- Est (ASEAN) et troisième source d’investissements. Elles souffriraient de manière significative des perturbations des flux commerciaux, 50 % de la flotte mondiale de porte-conteneurs transitant par le détroit de Taïwan. Les pays de la zone seraient en outre exposés à des risques élevés d’extension du conflit en mer de Chine du Sud, de paralysie de l’ASEAN, voire d’instabilité politique.

Malgré ces fortes vulnérabilités, la question de Taïwan est loin de faire consensus au sein de l’ASEAN. Si les postures des pays membres dépendront in fine des circonstances d’une crise d’ampleur dans le détroit, les informations disponibles en sources ouvertes et les entretiens menés par l’auteur signalent d’importantes divergences au sein du bloc.

Des États comme le Brunei, l’Indonésie, la Malaisie, la Thaïlande et le Vietnam semblent privilégier une forme de neutralité, tandis que le Laos, le Cambodge et le Myanmar sont susceptibles d’adopter une approche accomodante vis-à-vis de la Chine. Singapour pourrait être amené à jouer un rôle plus actif en matière d’opérations humanitaires ou de médiation, dont les contours restent néanmoins incertains. Enfin, les Philippines font figure d’exception dans la région. L’attitude de fermeté de l’administration Marcos face à la Chine dans un contexte de tensions élevées en mer de Chine méridionale, le renforcement de la coopération de défense avec les États-Unis et Tokyo, ainsi que les liens entre les Philippines et Taïwan suggèrent une implication plus active de Manille en cas de conflit. Cela reste toutefois à nuancer compte tenu des risques de représailles de la part de l’Armée populaire de libération (APL) et des importantes limites capacitaires des forces armées philippines.

Pour la France, ces positions impliquent dès lors de planifier une intervention militaire autour de Taïwan – qui se résumerait principalement à des RESEVAC (évacuation de ressortissants) – en s’appuyant a minima sur les pays d’Asie du Sud-Est. Pour autant, la centralité de l’ASEAN en Indo-Pacifique, sa proximité géographique avec Taïwan et ses liens avec l’île nécessitent de renforcer le dialogue et la coopération entre la France et les pays membres sous l’angle de la sécurité civile et de l’assistance humanitaire. Il s’agit ainsi de contribuer à la sécurisation de l’Asie du Sud-Est plutôt qu’à sa militarisation.

Introduction

Les pays d’Asie du Sud-Est seraient en première ligne si une crise d’ampleur survenait à Taïwan. Les conséquences seraient considérables pour les économies de la région, dont les chaînes de valeur sont dépendantes du tissu industriel de l’île et très exposées à d’éventuelles sanctions contre la Chine. Une confrontation armée dégraderait drastiquement la situation dans le détroit de Taïwan, où transitent près de 50 % de la flotte mondiale de porte- conteneurs[1], avec un risque élevé de métastases en mer de Chine méridionale – ce d’autant plus en cas d’intervention américaine, qui pourrait impliquer l’accès à certains détroits et aux infrastructures militaires de pays comme les Philippines ou Singapour. Un conflit armé menacerait également la centralité de l’Association des Nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN), dont le fonctionnement pourrait être paralysé ; les institutions telles que l’ASEAN Regional Forum (ARF) ou l’ASEAN Defence Ministers Meeting Plus (ADMM+) pourraient être marginalisées[2].

En dépit de l’onde de choc d’une éventuelle crise d’ampleur dans le détroit de Taïwan, ce scénario reste un sujet clivant pour les États d’Asie du Sud-Est. Forcés de naviguer entre les exigences de Pékin et de Washington, une majorité des pays de la région se montrent plutôt réservés, voire passifs, sur cette question. Il n’y a pas non plus de position régionale définie, notamment dans un contexte où l’ASEAN est contrainte par le dossier birman. Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y a pas d’évolutions. Dans le sillage de la crise suscitée par la visite de Nancy Pelosi à Taïwan en août 2022, l’ASEAN a publié un premier communiqué remarqué sur Taïwan appelant à l’apaisement. Plusieurs États membres du bloc font régulièrement état de leurs inquiétudes pour la paix et la sécurité dans la région. Certains d’entre eux adoptent même une posture plus active, comme l’a montré la réaction des Philippines aux récentes élections à Taïwan de janvier 2024.

Dans ce contexte, la présente note vise à mieux comprendre et anticiper la réaction des États d’Asie du Sud-est en cas de conflit à Taïwan. À cette fin, elle identifie les liens entre l’Asie du Sud-Est et Taïwan ainsi que les conséquences pour la région d’un éventuel conflit dans le détroit. Elle analyse ensuite les différentes postures que les pays du Sud-Est asiatique pourraient adopter, notamment à l’aune de leur positionnement vis-à-vis de crises extérieures (Ukraine, Proche-Orient, etc.) et de leur relation avec la Chine.

 

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