Les Partenaires non étatiques de l’Iran au Moyen-Orient : des proxys, vraiment ?

Mis en ligne le 26 Avr 2024

Les Partenaires non étatiques de l’Iran au Moyen-Orient : des proxys, vraiment ?

La notion de proxy constitut-t-elle un prisme suffisant pour rendre compte fidèlement de la complexité des relations nouées entre l’Iran et ses partenaires non-étatiques au Moyen-Orient ? Le titre en forme de question suggère de pousser l’analyse. C’est l’objet de ce papier, qui souligne en particulier que soutien ne rime pas avec contrôle étroit des opérations, et qui incite à apprécier la diversité des situations. L’auteur s’intérresse ensuite au contexte de manipulations de l’information qui obscurcit cette problématique des partenaires de l’Iran. Une invitation à aborder avec prudence une région où les configurations d’acteurs évoluent rapidement.

Les opinions exprimées dans cet article n'engagent pas le CNAM.

Les références originales de cet article sont : Arthur Stein, « Les Partenaires non étatiques de l’Iran au Moyen-Orient : des proxys, vraiment ? », IHEDN. Ce texte, ainsi que d’autres publications, peuvent être consultés sur le site de l’IHEDN.

Le Hezbollah libanais, les Houthis yéménites, des factions armées chiites irakiennes ou même, plus singulièrement, le Hamas et le Jihad islamique palestiniens sont souvent présentés comme des proxys iraniens au Moyen-Orient. L’idée sous-jacente est que la clé pour influer sur les actions de ces groupes serait d’exercer une pression maximale sur Téhéran. Seulement, si le soutien matériel iranien à ces organisations non étatiques est avéré, cela n’implique, par nature, ni un alignement idéologique total ni un lien de subordination évident. Parler en termes généraux masque une réalité vraisemblablement diverse en matière de contrôle effectif de l’Iran sur la direction des opérations des entités considérées. Cette note d’analyse met ainsi en lumière les limites d’une compréhension de la relation entre Téhéran et les mouvements armés qui lui sont affiliés via le seul prisme de la notion de proxys.

Le conflit entre Israël et le Hamas a sensiblement remis à l’ordre du jour la question du lien entre l’Iran et nombre de groupes armés au Moyen-Orient. La question de la responsabilité de Téhéran dans la planification de l’attaque du Hamas se pose dans le débat public dans la foulée du 7 octobre. En effet, à l’instar du Jihad islamique palestinien, l’entité reçoit depuis longtemps des ressources matérielles, et notamment des armes, en provenance d’Iran[1]. La question des partenaires iraniens se pose plus largement encore à la faveur des événements succédant au début des opérations militaires israéliennes à Gaza : que ce soit des menaces proférées par le Hezbollah libanais de prendre pleinement part au conflit avec Israël, des tirs issus de milices en Irak et en Syrie en direction de troupes américaines stationnées, ou des attaques houthies contre des navires au large du Yémen. Ces mouvements ont en commun de recevoir une assistance iranienne depuis de nombreuses années[2].

L’aide apportée à ces entités armées réunies au sein d’un dit « Axe de résistance» pousse nombre de publications académiques et médiatiques à leur adjoindre le qualificatif de proxys iraniens[3]. Bien que les définitions varient, un proxy est communément reconnu comme un agent agissant, en l’échange d’un appui, notamment matériel, pour le compte d’un acteur principalement extérieur à un conflit[4]. Dans le cas iranien, le sous-entendu est alors que les groupes soutenus répondraient forcément, dans leurs stratégies, aux injonctions de Téhéran dans le cadre de la lutte contre ses rivaux régionaux et extrarégionaux. Exercer une pression politique, économique ou militaire sur l’Iran suffirait par conséquent à influer sur les comportements de ses partenaires.

La réalité est cependant plus complexe. Les relations entre États et groupes armés ne se traduisent que rarement par un contrôle étatique étroit sur les entités appuyées. Différents facteurs entrent en jeu pour déterminer l’effet de levier (leverage en anglais) que des États possèdent vis-à-vis de leurs partenaires : l’un des plus essentiels, mais aussi des plus variables selon les cas, étant le degré de dépendance des seconds à l’assistance fournie par les premiers. Cette note souligne ainsi le fait que, sans nuances, l’emploi du qualificatif de proxy risque de brouiller plus que d’enrichir la compréhension des problématiques liées aux entités armées appuyées par Téhéran au Moyen-Orient.

Le texte commence par revenir brièvement sur l’existence d’un réseau de protégés iraniens au Moyen-Orient. L’article montre ensuite que soutien n’équivaut pas mécaniquement à contrôle étroit des opérations des mouvements affiliés. Les situations varient, en particulier selon les caractéristiques de l’aide apportée. La note se penche en outre sur l’extrême manipulation de l’information dans le cadre des liens entre États et groupes armés, qui participe à une mécompréhension de ces phénomènes. La conclusion se veut, face à l’incertitude relative à ces enjeux, un appel à la prudence dans la manière d’aborder la problématique des partenaires de l’Iran au Moyen-Orient.

References[+]


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