Edito n° 123/44 du 17 juillet 2025

« Mettez le bonheur dans la liberté, la liberté dans la vaillance. » Thucydide, stratège et historien athénien (460 av J. C; 395 av J.-C) in “Histoire de la guerre du Péloponnèse”

La « Guerre des douze jours » : succès stratégique ?

Ce récent conflit ouvert entre Israël et l’Iran aura indéniablement souligné la spectaculaire maîtrise opérative et tactique de Tsahal, appuyée sur une remarquable intégration opérationnelle entre renseignement, actions clandestines, forces spéciales et puissance aérienne. Le raid nocturne ponctuel de l’aviation américaine, dans la nuit du 21 au 22 juin 2025, constitua à divers titres le point d’orgue de cette brève confrontation armée.

Les frappes contre les infrastructures du programme nucléaire, contre les capacités balistiques, contre les élites scientifiques et militaires de l’Iran signeraient-elles le succès stratégique d’Israël ? Et jusqu’où, in fine, la donne géopolitique aura-t-elle été reformulée dans la région, voire au-delà ?

Force est de constater que le régime iranien, sonné, isolé vis-à-vis de ses soutiens extérieurs, semble toujours assez fermement arrimé sur ses piliers domestiques que constituent le pouvoir du clergé et celui des Gardiens de la révolution. Par ailleurs, l’incertitude demeure sur la portée des dégâts causés au programme nucléaire de Téhéran. Une incertitude qu’illustre la controverse politico-médiatique à Washington sur l’évaluation des frappes des bombardiers B2.

Pour autant, une fenêtre d’opportunité pourrait s’ouvrir à la diplomatie, avec l’affaiblissement majeur de l’« axe de la résistance » auto-proclamé, qu’Israël s’est employé à démanteler militairement, maillon par maillon, depuis le 07 octobre 2023. Une séquence diplomatique que les Etats-Unis et leur nouvelle administration, en pleine maitrise du jeu régional, auront à cœur de concrétiser par un « Big and Beautifull Deal ». Un accord qui ne pourra néanmoins éluder ni la question iranienne, ni la question palestinienne.

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La « Guerre des douze jours » : inhibition ou encouragement à la prolifération ?

Le Chancelier allemand s’est singularisé en déclarant sans ambages, le 17 juin dernier, qu’Israël faisait le « sale boulot » en s’attaquant au programme nucléaire de l’Iran. Une affirmation qui a fait polémique, et qui, nonobstant la question de la conformité avec le droit international, ne soulignerait-elle pas un dilemme au regard de la Non-Prolifération ? De telles actions « préventives » sont-elles en effet de nature à réfréner les ardeurs de proliférants potentiels, et en filigrane, l’occasion aurait-elle été manquée vis-à-vis de la Corée du Nord ? Ou a contrario, de telles actions les engageraient-elles à dépasser le stade du seuil du nucléaire militaire ?

Car la capacité dissuasive de facto limitée de ce que les experts nomment la « latence nucléaire » constitue peut-être un autre enseignement de ce bref conflit irano-israélien, un enseignement qui dépasserait dès lors le cadre de la région. Cette capacité à se maintenir juste au seuil d’accès à la Bombe n’a pas en effet permis de sanctuariser le territoire de la République islamique. Un état de fait de nature à interpeller les états qui, sans obligatoirement le laisser transparaitre, ont la capacité d’acquérir l’arme nucléaire. Ils se situent d’ailleurs pour nombre d’entre-eux dans l’orbe occidentale…

Les frappes contre le programme nucléaire iranien soulignent donc un point de vigilance clef qu’il convient de considérer, notamment à la lumière de l’inquiétude croissante vis-à-vis de la solidité des alliances nouées par les Etats-Unis, en Europe comme dans le Pacifique. L’approche d’une prochaine conférence d’examen du Traité de Non-Prolifération, en 2026, invite à mesurer ce risque d’entailles, sinon de contournements, voire de dénonciations du TNP, et pas uniquement donc du fait de l’Iran.

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La « Guerre des douze jours » : révélatrice de la marginalisation de l’Europe ?

Les mots sont pesés au trébuchet car ils participent de la dissuasion des menaces les plus extrêmes, existentielles : « … Nos forces nucléaires sont indépendantes mais peuvent être coordonnées et contribuent significativement à la sécurité globale … ». La déclaration Franco-Britannique du 10 juillet 2025 marque une avancée notable du rapprochement stratégique entre les deux rives de La Manche. Un rapprochement sur fond de menace russe réhaussée et de fiabilité américaine fluctuante. Un rapprochement sur fond également de marginalisation diplomatique de l’Europe. La séquence de la « Guerre des douze jours » aura constitué à cet égard un épisode douloureux, avec une éviction de Bruxelles et des capitales européennes de la part des trois protagonistes du conflit.

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Le rapprochement stratégique entre Londres et Paris pourra-t-il servir de roc sur lequel s’agrégerait une capacité de défense autonome du continent ?

La marginalisation de l’Europe n’est pas que stratégique ou diplomatique, elle est aussi économique, technologique, voire philosophico-politique. La parenthèse multi-décennales d’illusion de « fin de l’Histoire » et de griserie à l’opium d’une réassurance atlantique immuable se referme. Elle ouvre sur la réalité d’un monde où, pour reprendre les propos récents du Président de la République, « Pour être libre (…), il faut être craint. Pour être craint, il faut être puissant… », puissant sur l’ensemble du spectre, soft et hard !

***

En ce mois de juillet 2025, nous vous proposons un nouveau bouquet de six papiers de réflexion sur les questions stratégiques.

« La guerre des douze jours », point culminant d’un conflit qui oppose Israël et l’Iran depuis plusieurs décennies, peut-elle déboucher sur une période d’atténuation drastique des menaces posées par l’Iran à l’état hébreu ? C’est la question liminaire qui oriente et articule l’analyse menée par le papier de Raz Zimmt : « Nucléaire iranien : Israël a gagné la bataille, pas la guerre ». Alors que le régime des Mollah clame victoire, la réalisation des objectifs stratégiques d’Israël passe vraisemblablement par d’autres leviers que l’utilisation unique de moyens militaires. Un papier issu de la Fondation Jean Jaurès.

Le recours à la force à l’encontre de l’Iran traduit-il le rejet de l’idée de normalisation avec un état qui serait définitivement « voyou ». Le papier « Iran, l’impossible normalisation » aborde cette question en analysant la relation de la République islamique à la problématique du nucléaire en général, et des armes nucléaires en particulier. Dans un contexte d’affaiblissement du multilatéralisme et du cadre tracé par le Traité de Non-Prolifération, l’analyse menée par Wendy Ramadan – Alban revêt une dimension dépassant le cas singulier posé par Téhéran. Un papier issu de la FRS.

Alors que le cessez-le-feu entre l’Iran et Israël reste fragile, les pays du Golfe s’interrogent sur les meilleurs moyens susceptibles de garantir leur sécurité. Le papier « Pris entre deux feux : comment les pays du Golfe peuvent aider à apaiser les tensions entre l’Iran et Israël » de Camille Lons souligne les évolutions de postures, entre faveur accordée naguère à l’option d’un recours à la force et appel récent à la retenue et à la diplomatie. Alors que l’attitude et l’image des Etats-Unis se modifient dans la région, quelle reformulation du rôle et des initiatives de l’Europe est-elle envisageable ? Un papier issu de l’ECFR.

La visite d’Emmanuel Macron en Egypte début avril 2025 est-elle emblématique d’une redéfinition de la politique de la France vis-à-vis du Moyen-Orient ? Avec le papier « Visite d’Emmanuel Macron en Égypte : vers un retour de la « politique arabe » de la France ? », Florian Périllier-Houdeyer explore cette problématique en s’appuyant sur divers éléments factuels. Ces éléments sont replacés dans le contexte de dégradation des situations sécuritaire et économique au Proche et Moyen-Orient, et comme prélude d’une évaluation des enjeux stratégiques clefs soulevés pour notre pays. Un papier issu de la Bibliothèque de l’Ecole Militaire (BEM).

Le déploiement stratégique chinois se traduit également dans un grand récit renouvelé, dont les visées intérieures et extérieures s’articulent et se renforcent. Avec le papier « Comment, à travers les Routes de la soie, la Chine raconte-t-elle son histoire au monde ? », Emmanuel Lincot décrypte ce récit et s’interroge en particulier sur la place qu’y occupent les Routes de la soie. Un récit à la fois national, s’attachant à poser la Chine en modèle alternatif à celui promu par l’Occident, et visant par la réappropriation de l’histoire à en faire un instrument de légitimité du pouvoir en place à Pékin. Un papier issu de l’IRIS.

S’appuyant sur un tour d’horizon synthétique des défis transverses du monde contemporains, le papier « Les organisations multinationales dans un nouvel ordre mondial » s’interroge sur le rôle et l’action des organisations multinationale face aux bouleversements affectant l’ordre international. Plusieurs scenarii génériques sont développés, permettant de brosser des perspectives d’évolution de cet ordre international. Gérard Dugard envisage ensuite comment la France peut se préparer pour faire face à un ordre mondial qui se situera vraisemblablement à la croisée des différents scenarii proposés. Un papier issu de 3AED-IHEDN.

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Quelques derniers mots pour vous rappeler le rendez-vous annuel des Assises nationales de la Recherche Stratégiques (ARS). Les XVème ARS aborderont le thème « Le renseignement face au chaos mondial » et se dérouleront le 25 septembre 2025 en l’amphithéâtre Abbé Grégoire du Cnam. Au programme, des interventions et panels sur les défis du contre-terrorisme, l’adaptation aux nouvelles menaces, les enjeux géopolitiques (Afrique, Chine-Russie), la Guerre-Froide 2.0, la cybersécurité, les luttes informationnelles… Les inscriptions sont possibles via le lien : https://my.weezevent.com/assises-nationales-de-la-recherche-strategique-2025.

Quelques mots également pour vous signaler une nouvelle rubrique sur notre News Letter visant à vous faire découvrir des sorties d’ouvrages en librairies. Nous vous signalons ainsi, en ce mois de juillet 2025, deux ouvrages pour votre été : « L’ère des affrontements », de Thierry de Montbrial, prix spécial du jury du Livre de Géopolitique 2025, et « Une première histoire du trumpisme », de Maya Kandel.

Belle suite d’été, et rendez-vous courant septembre 2025, avec une nouvelle publication de votre Agora Stratégique.

 

Général (2s) Paul Cesari, Rédacteur en chef, et toute l’équipe de Geostrategia.

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