« L’avenir n’est pas ce qui va arriver, mais ce que nous allons faire. » Henri Bergson, philosophe (1859-1941)
En présentant à la presse début décembre la future Présidence Française de l’Union Européenne, le Président Macron a fixé haut l’ambition, résumée en une seule phrase : « …passer d’une Europe de coopération à l’intérieur de nos frontières à une Europe puissante dans le monde, pleinement souveraine, libre de ses choix et maître de son destin. »
Cette ambition s’exprime à l’heure où la présence militaire russe aux frontières orientales de l’Ukraine concentre toutes les attentions. Une présence qui, comme en miroir des incursions de l’aviation chinoise dans les zones d’identification de défense aérienne de Taïwan, semble tester la détermination occidentale, et singulièrement américaine, dans le sillage du retrait de Kaboul. Une présence qui fait suite à la crise « hybride » suscitée par le régime biélorusse aux frontières de l’UE.
Cette ambition s’inscrit également dans un « moment européen », post-Afghanistan et AUKUS, qui a vu le président des États-Unis reconnaitre explicitement (consentir !?) l’importance d’une défense européenne plus forte, complémentaire à l’OTAN.
Cette ambition s’affirme alors que les deux organisations, UE et OTAN, ont entrepris de renouveler leurs visions stratégiques face aux mutations du monde et à la dégradation de l’environnement international. Un monde qui semble osciller entre intégration et balkanisation, où se croisent une convergence méta-souveraine (sur le climat, le terrorisme, la santé…) et une divergence néo-souveraine (la réaffirmation de puissance ; Chine, Russie, Turquie…), pour reprendre les termes d’Olivier Zajec. Un environnement international où les menaces, sinon les actes hostiles, se déploient « sous le seuil » et sur l’ensemble des domaines et champs de conflictualité.
Face à cette dégradation, face au risque de perdre la guerre avant la guerre, face au nouveau triptyque « compétition-contestation-affrontement » souligné par le CEMA, il ne s’agit pas de chercher le Graal stratégique (comme naguère le nucléaire, vite contourné). Il s’agit de retrouver la grammaire stratégique, de se mettre en capacité d’articuler et de moduler l’ensemble des leviers de puissance. Il s’agit notamment de ne pas perdre la bataille des perceptions dans cette désormais permanente dialectique des volontés. Comme la discipline fait la force des armées, la cohésion fait la force des nations et l’opinion constitue le centre de gravité de sociétés démocratiques plus vulnérables.
Les visions stratégiques des deux organisations doivent aboutir et être entérinées, en mars pour la Boussole Stratégique de l’UE et en juin pour le nouveau Concept Stratégique de l’OTAN.
Complémentarité, articulation, alternative… Le poids des pensées et des arrière-pensées, réelles ou supposées, pèsera sur le succès parallèle des ambitions européennes et atlantiques. Entre d’un côté les tenants d’une capacité européenne de réponse autonome aux menaces, jusqu’à y compris l’utilisation du Hard Power, et d’un autre côté, ceux qui promeuvent l’élargissement fonctionnel (au non-militaire/défense) et géographique (à l’au-delà de la zone Atlantico-européenne) d’un « Global NATO », le chemin de crête d’une synthèse, en interne à chacune des organisations comme entre les deux démarches, va nécessiter des trésors d’intelligence, de conviction et de pédagogie.
Aborder la grammaire stratégique, sensibiliser aux questions essentielles voire vitales pour nos sociétés, rencontrer les chercheurs, les enseignants, les praticiens de ces questions, c’est l’ambition de la version renouvelée du cours en ligne ou MOOC du Cnam « Questions Stratégiques ; comprendre et décider dans un monde en mutation ».
Nous vous proposons notamment des séquences inédites sur les démarches d’anticipation et de prospective, sur l’industrie et les technologies de défense, sur le nouveau champ de confrontation que constitue l’économie ou encore une réflexion sur la gestion de crises devenant totales.
Vous pouvez nous rejoindre, rejoindre les près de 40 intervenants, pour un parcours exigeant mais passionnant au cœur des questions stratégiques, à partir du 05 janvier 2022, via le présent lien.
Et comme chaque mois, nous vous proposons en cette mi-décembre un nouveau choix d’articles issus des partenaires de Geostrategia. La question Indopacifique est examinée, au travers du prisme de la confrontation américano-chinoise (article revue RDN) comme de celui de la stratégie française d’après AUKUS (Article FRS). La question climatique, emblématique de la convergence méta-souveraine, est déclinée sous l’angle général du bilan de la COP 26 (Article IRIS) et via la réponse nationale au défi de la neutralité carbone et de la transition énergétique associée (article Synopia). L’analyse des défis de la numérisation des armées (article-résumé IFRI) comme celle de l’enracinement du terrorisme au Sahel (article revue Conflits) vous sont également proposées.
En cette fin d’année 2021, toute l’équipe vous souhaite de belles fêtes et vous donne rendez-vous en janvier 2022 pour une nouvelle publication de votre Agora Stratégique.
Général Paul Cesari, Rédacteur en chef, et toute l’équipe de Geostrategia.