Édito n°88/9 du 15 février 2022

« Les deux guerriers les plus puissants sont la patience et le temps. » Léon Tolstoï, écrivain russe (1828-1910), in La Guerre et la Paix.

Un chemin de désescalade est-il possible avec Moscou ?

En rencontrant son homologue russe le 07 février dernier, le président Macron a remis la France et l’Europe au cœur des négociations sur la crise ukrainienne.

La situation créée par cette crise ukrainienne peut inviter à établir une analogie troublante avec l’histoire du XXème siècle. Elle peut également être lue à la lumière du dilemme de sécurité, concept forgé par John H. Herz, comme à celle de la culture stratégique nationale.

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Si la rivalité croissante entre les États-Unis, puissance dominante (déclinante ?) et la Chine, puissance émergente (re-émergente) peut être analysée au prisme du piège de Thucydide, théorisé par Graham T. Allison, la situation créée par la crise Ukrainienne n’exhale-t-elle pas comme un relent d’Années 30 ?

Le parallèle peut être troublant en effet ! Rhénanie, Sudètes, Autriche jadis, Crimée, Donbass, Ukraine aujourd’hui. Une puissance naguère vaincue, travaillée par des sentiments d’humiliation et de spoliation, revendique que soient reconnus des droits sur des territoires et des populations « arrachés ». Elle installe un rapport de puissance inquiétant sinon menaçant, de la remise en cause des traités à l’intimidation armée, en passant par le soutien à des revendications similaires, ou encore par le rapprochement avec d’autres puissances contestatrices de l’ordre international (Japon jadis, Chine aujourd’hui).

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Renforcer les capacités militaires et/ou les alliances de défense pour garantir la sécurité d’un État ou d’un groupe d’États peut être perçu, par un État ou un groupe d’États voisins, comme une menace pour sa/leur propre sécurité. Un engrenage délétère peut alors s’enclencher, au détriment de la sécurité globale, et donc de la sécurité de chacun des protagonistes. La qualité du dialogue est essentielle pour espérer dépasser ce dilemme de sécurité.

Lorsque les frontières de l’Alliance atlantique se rapprochent des marges de la Russie, lorsque les États-Unis se retirent unilatéralement du traité ABM ou que l’OTAN installe un bouclier anti-missile en Europe, et lorsque le président Biden qualifie, dans des accents plus coutumiers de la part de son prédécesseur, son homologue russe de « tueur », la défiance du Kremlin, qu’elle soit feinte, majorée, instrumentalisée, trouve matière à se nourrir. Or, si un dialogue existe sur le volet nucléaire entre la Russie et les États-Unis, il n’est pas soutenu par des liens économiques substantiels entre les deux pays, liens économiques qui pourraient contribuer à le stabiliser, comme le souligne Isabelle Facon.

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La Russie, du fait de l’extrême étendue et de la continentalité de son territoire comme des expériences douloureusesde son histoire, a développé un complexe d’encerclement viscéralement inscrit dans la mémoire collective.

Les invasions ont façonné la psyché nationale comme l’art de la guerre russe, fait d’utilisation de l’espace, de la profondeur stratégique (repli, terre brulée, transfert de la production de guerre, etc.), de modes d’actions réguliers et irréguliers (partisans, etc.), d’innovations doctrinales, avec l’opératique naguère ou la guerre hybride aujourd’hui, de recherche d’armes pouvant porter le feu à distance, artillerie puis missiles. La culture stratégique nationale est également comme cautionnée par certaines théories géopolitiques occidentales, qui placent le contrôle du « Heartland » asiatique comme préalable au contrôle du monde. La fièvre obsidionale, tombée avec le glacis protecteur acquis en Europe au lendemain de la Grande Guerre Patriotique, s’est ravivée après la chute de l’Union soviétique, « la plus grande catastrophe géopolitique du XXème siècle » selon le Président Poutine. Que l’Ukraine, berceau du premier État russe, « marche » occidentale de la Grande Russie, puisse se détourner de Moscou en signant un partenariat étroit avec l’UE et surtout en rejoignant l’OTAN, s’apparente à une ligne rouge pour le Kremlin.

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Au-delà du poids que l’on peut accorder au ressort du ressentiment historique, au risque d’escalade sécuritaire ou encore à l’influence de la culture stratégique nationale, on peut considérer que le maintien d’un dialogue avec le Kremlin, « exigeant » certes, est nécessaire. On peut alors également considérer d’actualité l’interrogation de Jean-Christophe Romer, au lendemain de l’annexion de la Crimée en 2014 : l’intérêt de Bruxelles comme de Moscou vis-à-vis de l’Ukraine est-il d’en faire un mur ou un pont entre l’Union européenne et la Russie ?

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En ce mois de février 2022, nous vous proposons un nouveau bouquet d’articles de réflexion sur les questions stratégiques.

Alors que se déploie la PFUE, nous vous invitons à procéder à un tour d’horizon des menaces stratégiques qui peuvent peser sur l’Europe (article Synopia) et à identifier les lignes de forces susceptibles d’orienter la politique étrangère de la France pour les prochaines décennies (article-entretien revue Politique Étrangère de l’IFRI). Les affrontements hybrides et la lutte contre le terrorisme, emblématiques des crises qui traversent ce début d’année 2022, font l’objet d’analyses proposées par deux papiers du bouquet (article revue Défense de l’Union-IHEDN ; article revue RDN). Enfin, nous vous invitons à une réflexion sur le sens de l’engagement militaire (article-entretien Revue de la Gendarmerie Nationale du CREOGN) et à évaluer la portée des effets générés par la puissance aérienne (article revue Vortex du CESA).

En ce mois de février 2022, nous vous convions à découvrir et à suivre la nouvelle version, actualisée et complétée, du cours en ligne (MOOC) du Cnam sur les « Terrorismes ». Le cours comporte six modules et se déroule sur six semaines. Il peut être suivi entre le 02 mars et le 25 avril 2022 ; les inscriptions sont ouvertes jusqu’au 21 avril 2022, via le lien ci-après.

Il est par ailleurs toujours temps de rejoindre le MOOC du Cnam « Questions stratégiques ; comprendre et décider dans un monde en mutation » ; les inscriptions sont possibles jusqu’au 27 février 2022, via le lien ci-après.

 

Rendez-vous courant mars pour une nouvelle publication de votre Agora stratégique.

Général Paul Cesari, Rédacteur en chef, et toute l’équipe de Geostrategia.

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