Édito n° 108/29 du 18 janvier 2024

« Les batailles perdues se résument en deux mots : trop tard. »
Douglas Mac Arthur, officier général américain (1880-1964).

L’aube se lève sur un nouveau système international en gestation.

Sur fond de déclin de la prépondérance occidentale, d’exacerbation de la compétition stratégique, le monde qui vient combine aux rivalités géopolitiques et géoéconomiques traditionnelles le poids croissant des défis transnationaux.

Entre une planète où la mondialisation recule et qui se protège, sinon se cloisonne, à l’abri des souverainetés, et une Terre finie et fragile, requérant une approche méta-souveraine, le monde qui vient semble présenter les traits d’un système qualifiable de néo-westphalien.

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En cette année 2024, charnière pour l’Europe, au-delà du sort de l’Ukraine toujours en guerre, c’est bien celui de la sécurité du continent qui est en jeu. L’horizon est particulièrement assombri, avec une impasse militaire à l’est, et la possibilité d’une future présidence américaine isolationniste, en fin d’année 2024. Et ce, alors que Vladimir Poutine devrait encore présider aux destinées de la Russie pour six années supplémentaires à l’issue des élections de mars-avril.

A cet enjeu de sécurité extérieure, s’agrègent ceux de la prospérité et de la stabilité politique interne.

L’horizon n’est guère plus lumineux sous le prisme de l’essor économique. L’Europe, qui ambitionnait au sommet de Lisbonne, en 2000, de « devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde » dans la décennie, décroche par rapport aux Etats-Unis. Et de surcroît, l’Union qui a vécu sur l’illusion d’une prospérité allant de soi, est désormais battue en brèche par la montée en puissance de multiples compétiteurs.

Dernière face du triptyque entre sécurité, prospérité, stabilité, la scène domestique européenne montre des fracturations allant croissant, entre les thuriféraires de l’Union d’une part, et ses contempteurs de l’autre. Une Europe qui serait, comme le souligne Pierre Bulher, ancien diplomate français, surtout menacée par le risque de déliquescence interne. La montée de l’euroscepticisme se traduira-t-elle par un basculement des lignes de forces politiques dans les urnes, en juin prochain ?

Des occasions manquées, depuis l’aube d’un millénaire que la première stratégie de sécurité européenne, comme portée par une vision irénique de fin de l’Histoire, envisageait radieux, avec une « Europe plus sûre dans un monde meilleur ».

L’erreur de l’Union n’a-t-elle pas été d’occulter les questions de l’ordre des priorités et du couplage, entre sécurité et prospérité, mais également de leur lien avec la stabilité politique intérieure ?

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Le débat, porté par la France, sur la souveraineté européenne semble se substituer à celui d’une autonomie stratégique, terminologie « repoussoir » pour nombre de partenaires, comme potentiellement attentatoire à la solidarité atlantique. Au-delà de la souveraineté et de l’autonomie stratégique, la question clef ne serait-elle pas également celle de la puissance ?

Précipitée dans un monde néo-Westphalien, l’Europe pensée dans la Paix et pour la Paix, se retrouve devant une équation trop longtemps déniée, celle de la capacité à peser sur l’ensemble du spectre, entre souveraineté, stratégie et puissance.

La souveraineté, ou capacité à décider de façon autonome, est le fondement sur lequel peut s’appuyer l’élaboration d’une stratégie, articulant les leviers de puissance disponibles. La puissance s’entend comme capacité à obtenir un résultat souhaité, à faire valoir sa volonté et à influer sur son environnement. La stratégie, articulant les leviers de puissance, permet de préserver la souveraineté, et de renforcer la sécurité et la prospérité au sein du système international.

Le liant de ce triptyque, c’est bien le Politique, par sa légitimité et par sa faculté à incarner la souveraineté, à élaborer la stratégie, à exercer la puissance.

Si l’Europe ne peut toutefois pas prétendre se substituer à la volonté politique et à la légitimité régalienne des états-membres, elle peut envisager des avancées substantielles dans les champs où l’Union est compétente pour ses membres. Et des progrès sensibles sont également possibles, là où les états restent souverains, sous réserve de faire converger intérêts, ambitions, et de faire jouer pleinement, voire de faire évoluer les institutions et instruments.

D’ailleurs, le choc provoqué par la guerre en Ukraine a suscité le lancement ou l’approfondissement de nombreuses initiatives en matière de souveraineté économique comme de sécurité et de défense.

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L’année 2024 qui débute sera-t-elle celle du « moment machiavélien », celle d’une prise de conscience décisive, partagée, où l’Europe comprendrait irrévocablement que, dans le monde néo-westphalien qui vient, sa sécurité, sa prospérité, sa stabilité interne également, supposent de pouvoir et de vouloir conjuguer souveraineté, stratégie et puissance ?

Alors que, comme le souligne le sociologue et philosophe allemand Hartmut Rosa, l’expérience majeure de la modernité est celle de l’accélération, le temps est vraisemblablement compté !

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En ce mois de janvier 2024, nous vous proposons notre nouveau choix de papiers de réflexion stratégique.

Les combats se poursuivent dans la Bande de Gaza, et « Aux origines du conflit israélo-arabe – la conférence de San Remo en 1920 » permet d’inscrire ce conflit proche-oriental dans la perspective du temps long historique, comme de mettre en lumière un évènement clef relativement méconnu et pourtant indispensable de sa genèse. Un papier d’Alain Bauer issu du Cnam/ESDR3C (initialement paru dans l’Opinion).

Publié fin octobre 2023, l’entretien issu des Jeunes-IHEDN avec Fabrice Balanche, « Le conflit Hamas-Israël et ses répercussions régionales », propose une analyse prospective, que corroborent les développements actuels aux Proche et Moyen-Orient. Le poids et le jeu des acteurs régionaux, directement ou indirectement impliqués dans ce conflit, font l’objet d’un décryptage stratégique et géopolitique, ainsi que d’une mise en perspective démographique et historique.

Prenant acte d’une histoire devenue universelle et globale, mais néanmoins ni stable, ni pacifique, Nicolas Baverez brosse le tableau du déclin occidental et de l’essor concomitant du Sud. Avec « Le Sud global contre l’Occident », il décrit et analyse cette émergence, cette montée en puissance des pays du Sud. Le papier éclaire les défis, les ressorts et les limites de cette nouvelle réalité planétaire, et en met en exergue les implications pour les démocraties occidentales. Un papier issu de la Revue RDN de janvier 2024.

Avec « BRICS+ : vers un monde plus multipolaire ? », Christophe Ventura considère l’émergence des puissances du Sud via le prisme des BRICS et de l’extension de ce forum à six nouveaux membres depuis le 01 janvier 2024. Le papier, issu de l’IRIS, présente dans un premier temps la nouvelle réalité de ce format accru des BRICS et les actions envisagées à l’horizon de l’année qui débute. Ce premier temps est le prélude à l’analyse des perspectives d’évolution et orientations envisageables pour le forum, rapportées au contexte international.

Retour sur l’Europe, en cette année charnière pour l’Union, que ce soit aux plans domestique et international. Le papier de Joachim Bitterlich, « Les dix urgences franco-allemandes pour l’Europe », développe et éclaire un programme de consolidation, de réassurance indispensable aux yeux de l’auteur pour inverser les tendances européennes dans un monde fracturé. C’est la « boussole » que devraient proposer Paris et Berlin à leurs partenaires, pour les cinq années à venir. Un papier issu de la Fondation Robert Schuman.

Décidées à la suite de l’agression armée en Ukraine, les différents paquets de sanctions occidentales n’ont pas mis à bas l’économie russe. Ce constat de résilience fait l’objet d’une analyse par Vladislav Inozemtsev, dans un papier issu de la revue Politique Étrangère de lIFRI de décembre 2023. « Guerre d’Ukraine : où en est l’économie russe ? » met en lumière les facteurs de cette résilience, avant d’aborder les tendances alarmantes et encourageantes d’un nouveau modèle économique qualifiable selon l’auteur de « capitalisme de guerre ».

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Rendez-vous courant février 2024 pour une nouvelle publication de votre Agora Stratégique.

 

Général Paul Cesari, Rédacteur en chef, et toute l’équipe de Geostrategia.

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