Édito n° 103/24 du 20 juillet 2023

« La France ne peut être la France sans la grandeur. »
Charles de Gaulle, militaire, résistant, homme d'État et écrivain français (1890 - 1970), in « Mémoires de guerre ; l’Appel 1940 - 1942 »

Contrer la Chine sans s’aligner sur les États-Unis, une posture d’autonomie stratégique partagée par l’Inde et par la France ?

La récente visite du premier ministre indien semble en effet consacrer une « intimité stratégique », inscrite dans le partage d’intérêts en zone Indopacifique et, au-delà, dans une volonté commune de faire face aux grands enjeux mondiaux comme le réchauffement climatique ou encore les crises internationales, avec bien entendu la guerre en Ukraine qui creuse une fracture entre « The West and the Rest ».

L’accueil prodigué au Premier ministre indien a pu susciter réserves et critiques, au nom de principes démocratiques que l’Inde de Modi aurait dévoyés. Si les pratiques politiques du régime indien actuel peuvent interpeller, ne serait-il toutefois pas hasardeux de subordonner nos intérêts géopolitiques à une conditionnalité de gouvernance ?

Le pays le plus peuplé du monde reste une démocratie, certainement imparfaite, mais toujours susceptible d’évolutions positives, notamment à la faveur d’une possible alternance électorale en 2024. Nos intérêts et nos valeurs restent donc bien alignées, surtout si l’on considère un horizon plus lointain que l’instant présent.

Plus globalement d’ailleurs, et pour reprendre une analyse développée lors de précédents éditos, considérer le clivage entre « démocraties » et « autocraties » comme la « summa diviso » du monde contemporain s’avérerait à la fois erroné, inopportun, sinon périlleux. D’autant que la diplomatie chinoise est à la manœuvre. Outre des succès marqués au Moyen-Orient, elle relance son soft power pour mieux capter le ressentiment du « Sud Global » vis-à-vis de l’Occident, et singulièrement des Etats-Unis, en dénonçant pêlemêle la prééminence du dollar, l’extraterritorialité juridique américaine ou encore les conséquences néfastes planétaires de la guerre en Ukraine.

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Sur le front est-ukrainien, l’offensive de Kiev marque-t-elle le pas ? La perspective d’un règlement du conflit conforme aux intérêts du camp occidental s’éloigne-t-elle ?

Les gains territoriaux enregistrés par l’Ukraine depuis début juin sont en effet à ce jour assez minces, au regard de ceux du printemps 2022. Néanmoins, seul un quart des brigades de réserve semble avoir été engagé, et la phase de préliminaires opératifs à une tentative de rupture du front reste d’actualité. Le temps médiatique et le temps militaire ne sont pas en phase. L’histoire montre que dans des situations comparables, les percées peuvent intervenir assez tardivement, à l’instar de celle de l’été 44 en Normandie par exemple.

La Russie est par ailleurs affaiblie, même si l’armée tient ses positions face aux attaques ukrainiennes. Plus que militaire, l’affaiblissement est politique, avec un régime en crise, comme l’a souligné l’invraisemblable tentative avortée de coup de force par la milice Wagner.

Population russe passive, quarteron de putschistes aux liens équivoques avec le pouvoir moscovite, armée saignée et fixée à la défensive, soutiens extérieurs attiédis, propositions de médiations internationales multiples … Les conditions sont peut-être réunies pour que la porte de négociations s’entre-ouvre, sauf fuite en avant nucléaire.

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Le long weekend du 14 juillet et la coupure estivale qui débute referment-elles une séquence nationale et internationale particulièrement délicate pour la France ?

Aux émeutes urbaines éruptives, succédant aux cortèges réguliers des manifestations sociales, font écho ce que nombre d’observateurs, dont Pascal Boniface en particulier, considèrent comme une « panne diplomatique », des déboires répétés sur la scène internationale. Du repositionnement contraint en Afrique au revirement vis-à-vis de l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN, en passant par la marginalisation de l’idée d’autonomie stratégique européenne, l’influence de la France marque-elle le pas, à l’aune de son poids économique déclinant ?

Cette séquence difficile n’a pas pour autant entravé les prises d’initiative élyséennes. La France a notamment récemment fait connaitre sa disponibilité à poursuivre un dialogue direct avec les BRICS. Sera-t-elle une invitée de leur prochain sommet, à la fin du mois d’aout ? Cela constituerait un précédent marquant pour une organisation dont le PIB tutoie désormais celui du G7 et que certains de ses membres envisagent de poser en pendant de l’influence occidentale pâlissante.

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Il parait nécessaire pour la France de continuer à tisser des relations privilégiées avec des pays comme l’Inde ou encore le Brésil, de continuer à creuser le sillon d’une puissance singulière, alliée mais non alignée, autonome mais solidaire, de continuer à jeter des ponts entre les pôles divergents d’un monde en recomposition géopolitique.

Une telle posture semble à la fois conforme à la tradition comme aux exigences de l’époque, tant pour favoriser le redressement et la concorde nationales que pour peser utilement sur la marche du monde !

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En ce mois de juillet 2022, nous vous rappelons la tenue des Assises Nationales de la Recherche Stratégique tout au long du 28 septembre 2023, en présentiel au sein des locaux du Cnam et en rediffusion en direct sur la chaîne Youtube. Les inscriptions sont possibles via le lien (cliquez ici).

En ce mois de juillet 2023, nous vous proposons également un nouveau choix de papiers de réflexion stratégique.

Avec une certitude sur « Le retour inéluctable de l’ordre », mais une interrogation sur la nature de cet ordre, Alain Bauer brosse un tableau des violences urbaines qui ont émaillées le début de l’été 2023, leurs racines, leurs ressorts, leurs conséquences, les enjeux qu’elles portent pour la société française (papier issu de l’ESDR3C, après une première publication par l’Opinion).

Le conflit en Ukraine, par ses dimensions multiples, dont la structurante politique de sanctuarisation agressive adoptée par la Russie, révèle et accélère « L’érosion continue de l’ordre nucléaire mondial ». Emmanuelle Maître éclaire ce phénomène et les interprétations contradictoires sur le rôle de la dissuasion, entre justification des campagnes visant à l’abolition des armements atomiques et re-nucléarisation (papier issu de la FRS).

Approfondir la coopération en matière de défense et repenser nos complémentarités au sein d’un « Triangle de Weimar à l’épreuve de la guerre » en Ukraine. C’est le défi que s’est fixé le groupe de travail réuni à l’initiative d’Alexandre Malafaye et de Joséphine Staron, sous l’égide du Think Tank Synopia. Les travaux mettent en exergue les nouvelles convergences d’intérêts comme les opportunités inédites entre la France, l’Allemagne et la Pologne. Le papier (issu de Synopia) propose diverses recommandations pour les faire fructifier.

L’enjeu stratégique que constitue la transition énergétique se décline en divers défis, dont celui clef de l’approvisionnement en ressources minérales critiques. Le papier d’Yves Jégourel, « L’Europe et la sécurisation des approvisionnements en ressources minérales : de l’urgence stratégique au pragmatisme diplomatique » met en lumière ces défis, les risques de dépendance, et s’interroge sur la stratégie européenne nécessaire (papier issu de la Fondation Robert Schuman).

Les crises économiques, sanitaires, écologique et sécuritaires ont souligné les fragilités et les besoins essentiels de nos sociétés. Pour y faire face, la mise en œuvre des notions de souveraineté et de résilience ne relève pas de la responsabilité unique des Etats, et doit s’appuyer sur le secteur privé comme sur la société civile. Le papier (issu de 3AED-IHEDN) « ESG, Souveraineté & Résilience – quelle place pour l’investissement privé » propose les points clefs d’un rapport élaboré sous la houlette de Damien Concé et de Corinne Lagache, points clefs qui ont pu nourrir dives amendements de la toute récente Loi de Programmation Militaire (NDLR : ESG ou enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance).

La culture et la pratique sportives et les qualités qu’elles développent peuvent rencontrer la culture et pratique opérationnelles militaires. Avec ce papier original, « Opérations militaires et boxe française », François Gresser, stagiaire à l’École de Guerre, rapproche la boxe française et les opérations militaires contemporaines, au-delà de l’intérêt que peut présenter ce sport pour améliorer la préparation physique des combattants comme leurs capacités du niveau tactique. (papier issu de l’EDG).

En ce mois de juillet 2023, nous vous proposons enfin de visionner deux séquences du récent MOOC Questions Stratégiques VI. Isabelle Facon, directrice adjointe de la FRS éclaire, lors de deux entretiens, le cheminement de la défiance à la confrontation entre la Russie et l’Occident (cliquez ici), puis la guerre en Ukraine et les équilibres stratégiques post-conflit envisageables en Europe (cliquez ici).

Rendez-vous dès la rentrée, pour une nouvelle publication de votre Agora Stratégique, et excellent été en attendant.

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