IA et drones militaires : révolution technologique

Mis en ligne le 19 Juin 2025

Ssu.gov.ua, CC BY 4.0 , via Wikimedia Commons

La guerre en Ukraine a révélé l’importance acquise par les drones et l’intelligence artificielle associée. Le papier met en lumière ce bouleversement de l’art opérationnel militaire porté par les drones autonomes, opérant en essaims intelligents, capables d’opérer donc sans liaison humaine. Le cheminement historique, les aspects technologiques comme les enjeux éthiques de ce bouleversement sont exposés et analysés dans un souci de pédagogie et de différenciation des approches nationales.

Les opinions exprimées dans cet article n'engagent pas le CNAM.

Les références originales de cet article sont : Julien Grymonprez, Cyril de Villardi de Montlaur, « IA et drones militaires : révolution technologique », Les Jeunes IHEDN, publication du 28 mai 2025. Ce texte, ainsi que d’autres publications, peuvent être consultés sur le site des Jeunes IHEDN.

Histoire de l’intelligence et du drone militaire

L’idée du drone existe depuis l’aube de l’aviation, mais les premières tentatives pratiques remontent à la Première Guerre Mondiale (1914-1918). L’aviation, encore balbutiante, s’est développée grâce aux crédits militaires. Initialement utilisée pour l’observation et l’espionnage, elle devient rapidement un outil de guerre. Dès 1915, des recherches commencent pour créer des avions sans pilote, capables de tirer sur l’ennemi, marquant ainsi les premiers prototypes de drones. En 1916, le Royaume-Uni lance des recherches pour créer des avions-cibles sans pilotes, destinés à servir de cible pour l’ennemi. Aux États-Unis, Elmer Ambrose Sperry et Peter Cooper Hewitt poursuivent un projet d’avion automatique, tandis qu’en France, Max Boucher réalise un vol autonome d’un avion Voisin en 1918. Les recherches se poursuivent dans les années 1930, notamment au RoyaumeUni, où des prototypes comme le « Queen Bee », un avion-cible, voient le jour. Ce modèle sera à l’origine de l’utilisation du terme « drone » (désignant un faux bourdon en anglais, en raison du bruit et de la lenteur de l’engin). Pendant la Seconde Guerre Mondiale, les États-Unis reprennent ces recherches avec le Radioplane OQ-2, qui sera utilisé comme cible, mais qui ne marquera pas l’histoire du conflit. L’Allemagne, de son côté, mène des recherches sur des drones potentiels, mais sans succès. Après la Seconde Guerre Mondiale, les États-Unis continuent leurs recherches de manière confidentielle et utilisent les drones pour la première fois de manière opérationnelle pendant la guerre de Corée. L’innovation technologique majeure qui se profile pendant la guerre froide est la possibilité de commander un engin volant à distance. Dans les années 1960, l’incident diplomatique du « U2 » (l’abattage d’un avion de surveillance américain en URSS) conduit les États-Unis à percevoir le potentiel des drones pour l’espionnage, car ils sont moins visibles et ne peuvent être capturés. À la fin de la guerre froide, les États-Unis perfectionnent des drones capables d’effectuer des frappes militaires avec une grande autonomie. Ces drones deviennent des avions-tueurs, utilisés dans la guerre contre le terrorisme après les attentats du 11 septembre 2001. L’absence d’ennemi précis et la nature non conventionnelle de ce type de guerre favorisent l’utilisation de drones, qui permettent de minimiser les pertes humaines tout en restant très mobiles. L’histoire du drone est indissociable de son utilisation militaire. Il a été conçu pour répondre aux besoins de l’armée, évoluant au fil des guerres pour devenir un outil incontournable, tant pour l’observation que pour les frappes militaires. Aujourd’hui, les drones connaissent de nouvelles applications civiles, notamment dans les secteurs de loisirs et professionnels, ce qui marque un tournant dans leur utilisation au-delà des champs de bataille.

L’intelligence artificielle (IA) est un domaine de l’informatique qui cherche à créer des systèmes capables d’effectuer des tâches nécessitant normalement l’intelligence humaine, comme la prise de décision, l’apprentissage et la reconnaissance de modèles. L’histoire de l’IA commence en 1943, lorsque les scientifiques Warren McCullough et Walter Pitts publient un modèle mathématique de réseau de neurones, jetant les bases de ce qui deviendra l’IA. En 1950, Alan Turing introduit le Turing Test, qui sert toujours à évaluer la capacité d’une machine à imiter l’intelligence humaine. C’est en 1956, lors de la conférence « Dartmouth Summer Research Project on Artificial Intelligence » dirigée par John McCarthy, que le terme intelligence artificielle est utilisé pour la première fois, marquant ainsi la naissance officielle du domaine. Au fil des décennies, l’IA progresse lentement mais sûrement. En 1959, Arthur Samuel invente le concept de Machine Learning (apprentissage automatique), et en 1989, le Français Yann Le Cun crée le premier réseau de neurones capable de reconnaître des chiffres manuscrits, ouvrant la voie à l’émergence du Deep Learning dans les années 2000. Un tournant majeur survient en 1997, lorsque le supercalculateur Deep Blue d’IBM bat le champion du monde d’échecs, Gary Kasparov, marquant ainsi la première victoire de la machine sur l’Homme dans un domaine hautement stratégique. Depuis les années 2010, avec l’avènement du Big Data et des progrès technologiques en puissance de calcul, le développement de l’IA s’accélère de manière spectaculaire. Aujourd’hui, l’IA est omniprésente dans notre quotidien, de la reconnaissance vocale à la conduite autonome, et joue un rôle clé dans des domaines aussi variés que la médecine, la finance et la robotique. Elle évolue constamment, de même que ses applications, toujours plus sophistiquées, promettant des avancées aussi fascinantes qu’énigmatiques.

L’IA a commencé à être intégrée aux drones dans les années 2000, mais c’est au cours des années 2010 que cette technologie a connu des avancées significatives dans ce domaine. Au départ, les drones étaient principalement pilotés à distance par des opérateurs humains. Cependant, avec les progrès de l’IA, les drones ont commencé à développer des capacités d’autonomie plus avancées. L’intégration de l’IA permet aux drones d’effectuer des tâches de manière autonome, comme la navigation, la détection d’obstacles et la reconnaissance d’images. L’un des moments marquants de cette rencontre a été en 2013, lorsqu’un drone militaire américain a été équipé de systèmes d’IA pour effectuer des frappes de manière autonome en fonction des données recueillies. Ces recherches ont été alimentées par des progrès dans la vision par ordinateur, les algorithmes de machine learning et les systèmes de prise de décision automatisés. Cependant, il est important de noter que l’IA dans les drones reste largement utilisée pour améliorer la navigation autonome, les capacités de surveillance, et la reconnaissance de cibles, plutôt que pour des frappes totalement autonomes, un domaine encore très controversé sur le plan éthique.

Le développement et l’utilisation de drones militaires ont considérablement évolué au cours des dernières décennies, avec plusieurs pays émergeant comme leaders dans ce domaine stratégique. La Turquie s’est imposée comme un acteur majeur dans la fabrication et l’exportation de drones militaires. En 2024, Baykar, le principal fabricant turc, a réalisé 1,8 milliard de dollars d’exportations, représentant 90 % de ses revenus. Le drone Bayraktar TB2, en particulier, a été vendu à 34 pays, renforçant l’influence géopolitique de la Turquie. Les États-Unis disposent de la flotte de drones militaires la plus importante et la plus diversifiée au monde. Leur base industrielle robuste leur permet de développer des drones de surveillance et d’attaque de haute technologie, utilisés dans divers théâtres d’opérations. Israël est reconnu comme un leader mondial dans la technologie des drones militaires. Des modèles tels que le Heron, le Harpy et le Hermes ont démontré leur efficacité dans des missions de surveillance et d’attaque, renforçant les capacités de défense du pays. La Chine a rapidement développé sa capacité en matière de drones militaires, produisant en masse des modèles tels que le Wing Loong I. Ces drones sont utilisés pour des missions de reconnaissance et d’attaque, et la Chine est devenue un acteur majeur dans le marché mondial des drones. L’Iran a investi dans le développement de drones militaires indigènes, tels que le Shahed-136, utilisés pour des missions de surveillance et d’attaque. Ces drones ont été déployés dans diverses opérations régionales, démontrant l’ingéniosité iranienne dans ce domaine. La France, à travers des entreprises comme Exail, s’impose dans le domaine des drones militaires. Des innovations telles que les drones Colibri, Larinae et Aarok, ainsi que des solutions antidrone avancées, renforcent les capacités de défense nationale et positionnent la France comme un acteur clé dans ce secteur.

L’évolution des conflits modernes repose de plus en plus sur l’intégration de technologies avancées, et l’alliance entre l’intelligence artificielle (IA) et les drones militaires en est le fer de lance. Aujourd’hui, la supériorité militaire ne se mesure plus uniquement en termes de puissance de feu ou de capacité industrielle, mais bien en fonction de la maîtrise des systèmes autonomes et intelligents. Ceux qui réussiront à fusionner pleinement ces deux domaines redéfiniront la guerre de demain et prendront l’ascendant sur les champs de bataille futurs. Les États-Unis et la Chine sont en tête de cette course, investissant massivement dans des programmes de drones autonomes capables de prendre des décisions en temps réel, d’évaluer des menaces et d’adapter leurs stratégies sans intervention humaine. L’US Air Force, avec son programme « Skyborg », et l’armée chinoise, avec ses essaims de drones intelligents, démontrent que la guerre de demain sera dirigée par des systèmes capables de frapper plus vite et plus précisément que jamais. De leur côté, la Turquie, Israël et la France ne sont pas en reste, développant leurs propres programmes mêlant IA et drones, cherchant à combler l’écart technologique. La société européenne spécialisée en IA, Helsing, a d’ailleurs récemment dévoilé son premier drone d’attaque autonome, le HX-2, déjà déployé en Ukraine et proposé à des alliés de l’OTAN. L’avantage stratégique d’une telle fusion technologique est évident : celui qui contrôlera ces systèmes autonomes dominera les conflits futurs. Un essaim de drones piloté par une IA avancée pourrait submerger les défenses ennemies, mener des attaques synchronisées sur plusieurs cibles à la fois et s’adapter dynamiquement à l’évolution du champ de bataille. L’IA permettra aussi une meilleure collecte et analyse des données, optimisant la reconnaissance et la prise de décision en un temps record.

L’Automatisation des Drones et la Prise de Décision Autonome sans Géolocalisation

L’armée française, comme de nombreuses autres puissances militaires, investit massivement dans le développement de drones autonomes et de systèmes d’intelligence artificielle destinés au combat. L’un des enjeux majeurs de cette évolution est la prise de décision autonome sans intervention humaine immédiate, notamment lorsque la géolocalisation du pilote est indisponible ou brouillée. Derrière ces avancées se profile une mutation radicale du champ de bataille, où la vitesse d’exécution des frappes et des missions devient un facteur clé. La chercheuse Laure de Roucy-Rochegonde souligne que la réduction drastique du temps de vérification d’une frappe – parfois limité à vingt secondes – pousse à une automatisation toujours plus poussée.

L’intelligence artificielle n’est plus seulement un outil d’assistance pour les militaires, elle devient un acteur central du combat connecté. Désormais, les drones ne se contentent plus d’exécuter des missions de reconnaissance, mais participent à des attaques coordonnées, parfois en essaim, où ils peuvent interagir et s’adapter en fonction des données du terrain. L’utilisation croissante de supercalculateurs et de technologies avancées d’analyse d’images permet aux drones de fonctionner en autonomie partielle ou totale. Ces systèmes sont capables d’identifier une cible, de la poursuivre et de prendre une décision d’engagement même en l’absence de communication avec leur opérateur. Cette approche est essentielle dans des contextes où la guerre électronique peut neutraliser les signaux GPS ou les communications radio.

Les tests de ces nouvelles technologies se multiplient, notamment en France avec des projets menés par Thales et des start-ups spécialisées en IA appliquée à la défense. En Ukraine, véritable laboratoire du conflit moderne, les ingénieurs ont déjà conçu des drones capables de fonctionner sans GPS. Ces appareils utilisent des algorithmes de vision par ordinateur pour s’orienter et engager leurs cibles. Un exemple frappant de cette évolution est l’armement autonome basé sur des « munitions rôdeuses », ces drones capables d’identifier une cible et de s’y précipiter pour la neutraliser. L’armée ukrainienne expérimente également des essaims de drones, où un opérateur définit une zone d’action et autorise les drones à frapper de manière autonome toute cible identifiée comme ennemie.

Essaims de Drones et Combat Collaboratif : Une Révolution Tactique

L’essor des essaims de drones repose sur des progrès significatifs en robotique, algorithmie et IA. Ces avancées permettent d’intégrer un grand nombre de drones à bas coût dans des stratégies militaires complexes, où ils peuvent manœuvrer collectivement et s’adapter dynamiquement aux conditions du champ de bataille. Alors que les attaques de drones actuelles se basent sur des salves massives visant à saturer les défenses adverses, la véritable révolution viendra de l’intégration des essaims intelligents, où chaque drone pourra communiquer avec ses homologues pour optimiser sa mission en temps réel. Ce concept s’inspire des stratégies naturelles observées chez les bancs de poissons ou les vols d’oiseaux, où la coordination collective améliore la résilience et l’efficacité tactique.

L’emploi d’essaims de drones repose sur plusieurs principes fondamentaux. Contrairement aux frappes classiques, un essaim peut ajuster ses attaques en fonction de la situation tactique sans intervention humaine directe grâce à la communication entre les drones. L’intelligence artificielle permet aux drones de répartir intelligemment les cibles, réduisant les redondances et ajustant leurs priorités en fonction de l’attrition subie. Un essaim peut aussi basculer rapidement entre différentes configurations – reconnaissance, attaque ou défense – en fonction des besoins opérationnels. De plus, un seul opérateur peut superviser un grand nombre de drones, réduisant ainsi la dépendance aux effectifs humains tout en augmentant l’efficacité globale des opérations.

L’introduction des essaims de drones modifie profondément les dynamiques militaires. En saturant les défenses adverses, un grand nombre de drones, même peu coûteux, peuvent submerger les systèmes anti-aériens et épuiser les capacités de réaction ennemies. Une étude de l’US Army estime qu’un essaim offensif peut accroître de 50 % l’efficacité des frappes tout en réduisant les pertes. Les essaims permettent également de créer des barrières défensives autonomes difficiles à percer, formant un mur aérien ou terrestre contre des attaques ennemies. Par ailleurs, leur flexibilité leur permet d’être déployés dans l’air, sur terre et en mer, s’adaptant ainsi aux conditions de combat et offrant une efficacité accrue sur divers théâtres d’opérations.

L’intelligence artificielle est au cœur du développement des essaims de drones. Elle permet une reconnaissance avancée des cibles grâce à des capteurs interconnectés et une analyse en temps réel. Ces drones peuvent voler de manière autonome en environnement dégradé sans dépendance au GPS, en utilisant la vision par ordinateur et des algorithmes d’apprentissage. De plus, l’IA assure une gestion dynamique des ressources, où chaque drone peut redistribuer ses missions en fonction des pertes et des priorités opérationnelles, garantissant ainsi une efficacité accrue dans les missions militaires [1] .

Comprendre l’IA

L’IA est capable de prise de décision autonome et de collaborer avec d’autres engins similaires, mais également de réagir vite comme nous venons de le voir. Enfin, sa capacité à gérer un grand volume d’informations, ses algorithmes intégrés capables de recueillir et de filtrer les données importantes des autres, sont un atout majeur. Tout ça est rendu possible grâce à la maîtrise des algorithmes, leur complexité accrue, la capacité de calcul de plus en plus grande. L’IA est capable d’analyser des images en temps réel, de s’orienter et de s’adapter à certaines situations, mais de quelle manière s’y prend-il ?

L’intelligence artificielle est en réalité un réseau neuronal artificiel, comparable au cerveau humain, c’est un ensemble organisé de neurones interconnectés permettant  l’identification de phénomènes, l’évaluation des solutions et la résolution de problèmes complexes.

Ils sont imaginés dès les années 1940 par le neurophysiologiste, Mc Culloch et le logicien, Pitts qui proposent les premières notions de neurone formel, la première représentation mathématique et informatique d’un neurone biologique.

La seconde date cruciale pour l’IA est la première modélisation d’un réseau de neurones artificiels, appelé le perceptron, dans sa forme la plus simple, à savoir un classifieur linéaire, en 1957, découvert au laboratoire d’aéronautique de l’Université Cornell par Frank Rosenblatt. Il s’agit d’une simplification d’un neurone biologique, conçue pour imiter la manière dont le cerveau traite l’information.

Le premier modèle du perceptron prend plusieurs valeurs en entrées dont chacune possède un poids (une valeur), les sommes et passe le résultat à travers une fonction d’activation qui possède un seuil associé, ce neurone est activé si la valeur est supérieure au seuil. Ce résultat permet de classer une donnée dans une des deux catégories possibles (neurone activé ou non). La multiplication des neurones, dit classifieur à plusieurs classes, permet un calcul plus important.

Si des valeurs sont entremêlées, dépendent les unes aux autres, il faut extraire des données d’entrée (image, son, etc.) des caractéristiques ou en anglais « pattern recognition » (cela s’appelle un réseau de neurones à 1 couche cachée) mais nécessite en amont, de gros efforts par des experts pour définir l’extracteur de caractéristiques qui vient alimenter ces réseaux de décisions.

Il est possible d’entraîner l’extracteur de caractéristiques avec des réseaux multicouches, représentant plusieurs réseaux évoluant et interagissant entre eux, ou l’utilisation des réseaux à convolution pour les images 2D. Kunihiko Fukushima et Yann LeCun, directeur scientifique de l’IA de Meta, ont respectivement posé les bases de la recherche sur les réseaux neuronaux convolutifs dans leurs travaux de 1980.

Supposons que nous souhaitons analyser une image en couleur, elle est composée d’une matrice de pixels en 3D. Cette entrée aura alors trois dimensions (hauteur, largeur et profondeur) qui correspondent à la combinaison Rouge-Vert-Bleu dans une image. Le détecteur de caractéristique se déplace dans l’espace de l’image et la parcourt entièrement tout en jouant sur le pas, le nombre de pixels, et vérifie si la caractéristique est présente[2] .

Pour calculer les poids des valeurs, les chercheurs ont développé un apprentissage par algorithme d’optimisation itératif. S’il est supervisé, on entraîne notre algorithme à l’aide d’un jeu de données (une base de données). Connaissant la valeur attendue en sortie, on entraîne notre algorithme par rebouclage à choisir la bonne sortie en fonction des valeurs en entrée. Par exemple, connaissant les caractéristiques d’une voiture, on entraîne l’IA à en reconnaître suivant des modèles différents.

Un algorithme non supervisé, permet, sans connaître la sortie de regrouper des données (clustering) et d’en extraire des caractéristiques communes. Cette méthode s’applique par exemple au repérage de comportements suspects que le drone serait capable d’observer en zone urbaine [3].

Ces calculs nécessitent évidemment une puissance de calcul (GPU) et une base de données (Big Data) importante. L’arrivée de cette intelligence artificielle soulève de nombreux questionnements et des paradoxes éthiques.

L’éthique

Dès l’apparition de l’IA, un écrivain américain d’origine russe en 1942 se questionne sur les barrières ou mesures juridiques pour que des entités telles que les robots (notons que c’est la première fois qu’est mentionné le terme « robotique ») ne soient pas un danger pour l’Homme. Isaac Asimov expose 3 lois dans sa nouvelle Cercle vicieux (Runaround) dont l’histoire se déroule en 2015 :

1. un robot ne peut porter atteinte à un être humain, ni en restant passif, permettre qu’un être humain soit exposé au danger ;
2. un robot doit obéir aux ordres qui lui sont donnés par un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la première loi ;
3. un robot doit protéger son existence tant que cette protection n’entre pas en conflit avec la première ou la deuxième loi.

Si ces lois nous paraissent aujourd’hui hors du temps et éloignées de l’IA, elles montrent toutefois une crainte avant-coureuse de l’intelligence artificielle.

Le droit international humanitaire (DIH), également appelé jus in bello, encadre la conduite des conflits armés. Son objectif exclusivement humanitaire est de réduire et d’éviter autant que possible les souffrances engendrées par la guerre. Il ne traite pas des raisons justifiant la guerre ni des moyens de la prévenir, ces aspects relevant du jus ad bellum. 4

Elle est censée interdire les armes qui ne permettent pas de respecter ses deux principes directeurs : application proportionnelle de la force et discriminations entre les cibles humaines. C’est du fait de leur nature, c’est-à-dire de leurs caractéristiques, et non de leur utilisation, qu’elles sont illégales.

Le niveau exact d’autonomie d’un drone à effectuer un tir offensif peut singulièrement varier, on peut toutefois en distinguer 3 catégories : les Human-in-the-Loop Weapons, qui nécessitent une intervention humaine pour sélectionner une cible et tirer, comme les drones armés actuels ; les Human-on-the-Loop Weapons, capables de choisir et d’engager une cible de manière autonome, mais sous la supervision d’un humain pouvant interrompre l’action à tout moment ; et les Human-out-of-the-Loop Weapons, fonctionnant sans aucune intervention humaine. De nombreuses armes présentent déjà un certain degré d’autonomie, et la tendance évolue vers une automatisation croissante et sans limites. [4]

La position des pays divergent sur la notion de moralité que peuvent posséder les robots/intelligence artificielle. Dans un sens, un manque de conscience tend les robots à être impartiaux et à être moins susceptibles de causer des maux superflus que les humains, mais certains s’interrogent encore sur le contrôle de l’homme sur ces derniers et de la capacité souveraine d’un pays à les posséder. Lors du sommet sur l’intelligence artificielle organisé à Paris, le ministre des Armées Sébastien Lecornu s’est voulu rassurant sur ce point observant que l’une des meilleures garanties d’éthique que nous puissions avoir est d’être capable de maîtriser de A à Z cette technologie, mais aussi que l’homme soit toujours dans la boucle avec un contrôle effectif sur l’IA.

Les drones dotés d’IA devraient permettre un ciblage accru et des cibles mieux identifiées par rapport aux drones traditionnels dont les frappes de certains pays sont basées sur le comportement plutôt que sur l’identité, et semblent provoquer moins de pertes civils, mais un usage excessif de ce dernier pourrait inverser la tendance [5]. Ces réflexions s’étendent aux responsabilités de différentes entités en cas d’accident. Dans le cas d’un avion, elle pourrait incomber à l’OACI, qui a validé les procédures intégrant l’IA, à l’avionneur, qui a donné le bon pour vol, à l’entreprise ayant fourni le calculateur du système ou encore à l’ingénieur qui en a conçu le code.

Ces réflexions englobent également la question de la responsabilité en cas d’accident. Dans le cas d’un avion, elle pourrait incomber à l’OACI, qui a validé les procédures intégrant l’IA, à l’avionneur, qui a autorisé le vol, à l’entreprise ayant fourni le calculateur du système ou encore à l’ingénieur qui en a conçu le code.

L’organisation non-gouvernementale Human Rights Watch défend des mesures nationales et internationales visant à interdire le développement, la production et l’utilisation d’armes totalement autonomes. Reste à savoir si de telles mesures sont envisageables au 5 vu des divergences de position des pays (géopolitique et de la perception des IA comme une menace), des différents systèmes politiques et du respect du droit international qui est fait aujourd’hui. Des propos plus modérés suggèrent une évolution des mentalités dans la manière de prendre en compte les avantages et désavantages technologiques des drones.[6]

Cette partie s’est concentrée sur les drones armés dotés d’intelligence artificielle, mais il faut toutefois rappeler qu’il ne faut pas confondre la fin et les moyens. En effet, il est possible de mener des missions similaires avec des moyens différents comme les missiles, avions, tireurs d’élite. Et inversement, les drones dotés d’IA peuvent avoir des objectifs de surveillance qui en est sa plus grande utilisation.

References[+]


Du même partenaire

Les dépenses européennes en matière de défense

Défense et Sécurité

Par Stanislas CHOPIN

Source : Les Jeunes IHEDN

Mis en ligne le 17 Avr 2025

Vers une militarisation de la sécurité publique au Mexique ?

Défense et Sécurité

Par Célina CAMARENA ROMERO

Source : Les Jeunes IHEDN

Mis en ligne le 19 Déc 2024


Articles de la catégorie Défense et Sécurité

Droit humanitaire et combats urbains

Défense et Sécurité

Par Geoffrey S. Corn, Amélie FÉREY

Source : CESA

Mis en ligne le 19 Jun 2025

L’avenir d’une Europe de la défense dont les intérêts peuvent ne...

Défense et Sécurité

Par Michel Latché

Source : 3AED-IHEDN

Mis en ligne le 19 Jun 2025

The French nuclear deterrent in a changing strategic environment

Défense et Sécurité

Par Emmanuelle MAITRE

Source : FRS

Mis en ligne le 15 May 2025

Nos partenaires

Académie du renseignement
Bibliothèque de l’Ecole militaire
Centre d'études stratégiques de la Marine
Centre d’études stratégiques aérospatiales (CESA)
Centre de Recherche de l'Ecole des Officiers de la Gendarmerie Nationale
Centre des Hautes Etudes Militaires
Chaire Défense & Aérospatial
Chaire Raoul-Dandurand de l'UQAM/Centre FrancoPaix
Conflits
Ecole de Guerre
Encyclopédie de l’énergie
ESD-CNAM
European Council on Foreign Relations
Fondation Jean Jaurès
Fondation maison des sciences de l'homme
Fondation pour la recherche stratégique
Fondation Robert Schuman
Institut de Relations Internationales et Stratégiques
Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale
Institut des hautes études du ministère de l'Intérieur
Institut Français des Relations Internationales
International Journal on Criminology
IRSEM
L’Association des Auditeurs et cadres des sessions nationales "Armement & Economie de Défense" (3AED-IHEDN)
Les Jeunes IHEDN
Revue Défense Nationale
Revue Géostratégiques / Académie de Géopolitique de Paris
Sécurité Globale
Synopia
Union-IHEDN/Revue Défense
Université Technologique de Troyes
Académie du renseignement
Bibliothèque de l’Ecole militaire
Centre d'études stratégiques de la Marine
Centre d’études stratégiques aérospatiales (CESA)
Centre de Recherche de l'Ecole des Officiers de la Gendarmerie Nationale
Centre des Hautes Etudes Militaires
Chaire Défense & Aérospatial
Chaire Raoul-Dandurand de l'UQAM/Centre FrancoPaix
Conflits
Ecole de Guerre
Encyclopédie de l’énergie
ESD-CNAM
European Council on Foreign Relations
Fondation Jean Jaurès
Fondation maison des sciences de l'homme
Fondation pour la recherche stratégique
Fondation Robert Schuman
Institut de Relations Internationales et Stratégiques
Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale
Institut des hautes études du ministère de l'Intérieur
Institut Français des Relations Internationales
International Journal on Criminology
IRSEM
L’Association des Auditeurs et cadres des sessions nationales "Armement & Economie de Défense" (3AED-IHEDN)
Les Jeunes IHEDN
Revue Défense Nationale
Revue Géostratégiques / Académie de Géopolitique de Paris
Sécurité Globale
Synopia
Union-IHEDN/Revue Défense
Université Technologique de Troyes

 

afficher nos partenaires